Actualités jurisprudentielles Novembre 2021

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Publié le :

La conclusion, l'exécution et la rupture du contrat de travail sont souvent sources de conflits et de risques juridiques au sein des entreprises. Bien souvent, le maniement du contrat de travail relève de la jurisprudence et de l'interprétation du Code du travail des juges. Chaque mois, nous étudions pour vous, les arrêts jurisprudentiels les plus marquants et les plus impactants.

Auteur / Autrice

Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

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Sommaire de l'article

Contrat de travail

Respect des obligations liées au travail à temps partiel : attention aux clauses du contrat de travail.

Cass.Soc, 13 octobre 2021, N°19-21.164

En l’espèce, le contrat de travail d’une salariée embauchée à temps partiel prévoyait qu’un planning de travail devait être communiqué tous les mois par remise en main propre ou courrier et que toute modification de ce planning devait faire l’objet d’un délai de prévenance de sept jours. 

Pour la Cour de cassation, le non-respect par l’employeur de ces dispositions contractuelles est suffisant pour justifier la requalification du contrat à temps plein. 

Forfait jours 

Toute convention de forfait jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires. En cas de précisions insuffisantes, la convention de forfait est nulle.

Cass. Soc. 13 octobre 2021, N° 19-20.561

Un salarié conclut une convention de forfait jours avec une entreprise soumise à une convention collective qui prévoit la réalisation d’un contrôle des jours travaillés et des jours de repos par le biais d’un bilan annuel.

Dans les faits, le salarié reproche à son employeur de ne pas avoir organisé d’entretien annuel ni respecté son droit au repos.

Le salarié saisit la juridiction prud’homale de plusieurs demandes, dont celles de la nullité de sa convention de forfait jours.

La Cour d’appel déboute le salarié de sa demande, considérant que la convention signée permettait bien de lui garantir l’application d’une durée de travail raisonnable, de repos journalier et hebdomadaire.

La chambre sociale de la Cour de cassation, dans sa décision du 13 octobre 2021, N°19-20.561 casse l’arrêt de la Cour d’Appel.

Elle relève, qu’en l’espèce, les dispositions prévues par la Convention collective sont insuffisantes, car elles ne prévoient pas des mécanismes permettant à l’employeur de contrôler l’amplitude et la charge de travail du salarié, et juge que doivent être annulées les conventions de forfait en jour qui se bornent à prévoir : que le nombre de jours travaillés dans l’année est au plus de 205 jours, compte tenu d’un droit à congé payé complet ; que le contrôle des jours travaillés et des jours de repos est effectué dans le cadre d’un bilan annuel, défini dans le présent accord ; qu’un suivi hebdomadaire vérifie le respect des règles légales et conventionnelles les concernant en matière de temps de travail, notamment les 11 heures de repos quotidien, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.

Rupture du contrat de travail

Rupture anticipée par l’employeur d’un contrat d’avenir conclu en CDD

Lorsque la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée associé à un emploi d’avenir intervient à l’initiative de l’employeur en dehors des cas prévus par la loi, le salarié a droit à des dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçus jusqu’au terme du contrat.

Cass.Soc. 13 octobre 2021 N°19-24.540

Un salarié est engagé pour 36 mois en contrat emploi d’avenir. Moins d’un an plus tard, son employeur lui notifie la rupture de son contrat de travail.

Contestant le bien-fondé de cette rupture, le salarié saisit la juridiction prud’homale.

L’affaire est portée devant la Cour d’Appel qui condamne l’employeur à verser au salarié des dommages-intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié se pourvoit en cassation.

La chambre sociale casse l’arrêt de la Cour d’Appel et précise que, lorsque la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée associé à un emploi d’avenir intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas prévus par la loi, le salarié a droit à des dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat.

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Licenciement dans un groupe de sociétés

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 Le DRH d’une filiale ne peut pas licencier un salarié d’une autre filiale.

Cass.Soc. 20 oct. 2021, N°20-11.485

Un directeur général d’une filiale A est licencié par la directrice des ressources humaines d’une filiale B, mandatée à cette fin par le président de la filiale A qui a embauché le directeur général. Ce dernier conteste son licenciement devant le Conseil des prud’hommes, en soutenant que la DRH, exerçant ses fonctions dans une filiale autre que celle dans laquelle il a été embauché, et signataire de sa lettre de licenciement, ne dispose pas du pouvoir pour la signer. 

La Cour de cassation, dans son arrêt N° 20-11.485 du 20 octobre 2021 précise que la finalité même de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour procéder à cet entretien et notifier le licenciement. N’étant pas démontré que la gestion des ressources humaines de la filiale A relevait des fonctions de la D.R.H. de la filiale B, ni que cette dernière exerçait un pouvoir sur la direction de la filiale A, la lettre de licenciement signée par une personne étrangère à l’entreprise ne peut pas recevoir délégation de pouvoir pour procéder au licenciement.

Par conséquent, elle confirme l’arrêt de la Cour d’Appel qui a considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Rupture conventionnelle

L’absence de choix pour les salariés entre le départ volontaire et le maintien dans leur emploi en cas de fermeture du site ne permet pas de conclure une rupture conventionnelle collective.

CAA Versailles, 20 octobre 2021, N°21VE02220

Une société qui a pris la décision de fermer un site met toutefois en place une rupture conventionnelle collective. 

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Pour les juges, la société ayant déjà pris la décision de fermer le site, les salariés concernés ne peuvent pas être considérés comme étant en mesure de faire un réel choix entre le départ volontaire et le maintien dans leur emploi. 

En conséquence, la Cour administrative d’appel de Versailles annule la décision de la DRIEETS de validation de l’accord de rupture conventionnelle collective conclu au sein de la société pour l’ensemble des salariés du site. 

Clause de non-concurrence

Dès lors que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence a la nature d’une indemnité compensatrice de salaire stipulée en conséquence de l’engagement du salarié de ne pas exercer, après la cessation du contrat de travail, d’activité concurrente à celle de son ancien employeur et qu’elle ne constitue pas une indemnité forfaitaire prévue en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle, elle n’est pas une clause pénale et ne peut pas être modifiée par le juge.

Cass.Soc.13 oct. 2021, N°20-12.059

Un salarié démissionne de son poste et saisit par la suite le Conseil des prud’hommes pour obtenir le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence prévue à son contrat de travail.

Le conseil des prud’hommes accède à sa demande tout en réduisant le montant de l’indemnité de non-concurrence.  

Saisie du litige, la Cour d’Appel condamne l’employeur à verser au salarié la totalité de la somme prévue.

L’employeur se pourvoit en cassation, soutenant que la contrepartie financière d’une clause de non-concurrence est une clause pénale que le juge a la faculté de modérer ou d’augmenter.

Pour rappel, une clause pénale est une clause par laquelle une partie à un contrat s’engage envers son cocontractant à lui verser une indemnité forfaitaire déterminée à l’avance en cas d’inexécution (totale ou partielle) de ses obligations. Elle peut être révisée par le juge lorsque son montant est manifestement excessif ou dérisoire par rapport au préjudice subi et en cas d’inexécution de l’obligation, au prorata de l’obligation effectuée. 

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’Appel et déboute l’employeur de son pourvoi, considérant que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence n’est pas une clause pénale, dans la mesure où :

  • Elle a la nature d’une indemnité compensatrice de salaire stipulée en conséquence de l’engagement du salarié de ne pas exercer, après la cessation du contrat de travail, d’activité concurrente à celle de son ancien employeur. 
  • Elle ne constitue pas une indemnité forfaitaire prévue en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle.

Par conséquent, le juge ne peut pas réduire le montant de l’indemnité de non-concurrence. 

Congés payés

Inclusion de l’indemnité de congés payés dans la rémunération forfaitaire 

Cass. soc. 13-10-2021 N° 19-19.407

Dans sa décision du 13 octobre 2021, N° 19-19.407, la Cour de Cassation précise que si l’indemnité de congés payés peut être incluse, à titre exceptionnel, dans la rémunération variable du salarié, lorsque des conditions particulières le justifient, cette inclusion doit toutefois résulter d’une clause contractuelle transparente et compréhensible, ce qui signifie, en pratique, que la clause doit préciser la répartition entre la rémunération qui correspond au travail du collaborateur et celle qui correspond aux congés payés et que soit précisée l’imputation de ces sommes sur un congé déterminé, devant être effectivement pris. 

À défaut, la clause ne peut pas être opposée au salarié.

En l’espèce, la clause du contrat de travail se borne à mentionner que la rémunération variable s’entend congés payés inclus, sans préciser la répartition entre la rémunération et les congés payés. Elle n’est ni transparente ni compréhensible, et ne peut donc pas être opposée au salarié.

À lire également :

Précisions sur les primes devant être incluses dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés

Cass.Soc.13-10-2021N°20-15.645

Lorsqu’un salarié pose des jours de congés payés, il reçoit, en compensation, une indemnité de congés payés. Cette indemnité est calculée, sur la base du dixième de la rémunération totale du salarié ou sur la base du maintien de son salaire, sur la base de la rémunération versée au salarié. 

Selon la jurisprudence, l’assiette de calcul ne comprend que les éléments de rémunération qui sont liés au travail personnel du salarié et qui portent sur les périodes de travail, à l’exclusion des périodes de congés payés. 

S’agissant d’une prime sur objectifs, pour être incluse dans l’assiette de l’indemnité de congés payés, cette prime doit, au moins pour partie, être assise sur des résultats produits par le travail personnel du salarié et affectée par la prise des congés. 

Dans son arrêt N° 20-15.645 du 13 octobre 2021, la Chambre sociale de la Cour de cassation précise qu’une Cour d’Appel ne peut pas débouter le salarié de sa demande en paiement d’une certaine somme au titre des congés payés afférents à la prime sur objectifs sans rechercher si cette prime était, au moins pour partie, assise sur des résultats produits par le travail personnel du salarié et si elle était ou non affectée par la prise des congés. 

Travail dissimulé 

En cas de poursuite et de condamnation d’un employeur du chef de travail dissimulé, par dissimulation d’activité ou dissimulation d’emploi le cumul des sanctions est conforme à la Constitution.

Conseil constitutionnel, décision n°2021-973 QPC du 7 octobre 2021.

Le Conseil constitutionnel est saisi par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 8224-5 du Code du travail et L. 243-7-7 du Code de la Sécurité sociale qui sanctionnent l’infraction de travail dissimulé.

Pour rappel, les entreprises qui sont condamnées pour travail dissimulé encourent deux formes de sanctions, réparties dans deux codes différents : la première exposée à l’article L. 8224-5 du Code du travail qui prévoit, entre autres, une amende, une interdiction d’exercer, des fermetures d’établissements et l’exclusion des marchés publics. La seconde, inscrite cette fois dans le Code de la Sécurité sociale (article L. 243-7-7), prévoit une majoration du redressement des cotisations et contributions sociales de 25 %. Un taux porté à 40 % si l’infraction est commise envers des personnes mineures ou vulnérables ou en bande organisée. Pour les Sages, il s’agit effectivement d’une “punition”.

Dans sa requête, la société condamnée soutient que l’application cumulative de ces dispositions “peut conduire à ce qu’un employeur soit poursuivi et sanctionné deux fois pour de mêmes faits de travail dissimulé”, ce qui constituerait, selon elle, une méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines et du principe “non bis in idem” qui en découle.

Dans sa décision N° 2021-973 du 7 octobre 2021, le Conseil constitutionnel rappelle que le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente en application de corps de règles distincts et qu’en l’espèce, les faits réprimés doivent être regardés comme faisant l’objet de sanctions de nature différente.” En effet, il s’agit de deux types de sanctions distincts, de la même manière qu’une infraction peut être punie d’une peine d’amende et d’une peine de prison.

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