Certaines catégories de salariés peuvent bénéficier, sous certaines conditions récemment modifiées par le BOSS, d’un abattement de leur base de cotisations et contributions sociales pour frais professionnels.
Mais qui peut bénéficier de cet abattement ? Comment est-il calculé ? Comment le traiter en paie ? Quel est l’impact de l’abattement pour frais professionnels ?
Nous vous proposons, dans cet article, un tour d’horizon de l’abattement pour frais professionnels.
Qu’est-ce que l’abattement pour frais professionnels ?
L’abattement pour frais professionnels : définition
L’abattement pour frais professionnels, également appelé déduction forfaitaire spécifique, est une déduction de l’assiette de cotisations sociales calculée sur la base d’un taux d’abattement déterminé en fonction de la profession du salarié.
Ainsi, l’assiette de cotisations est diminuée pour les salariés bénéficiant de l’abattement.
Quelles sont les cotisations concernées ?
L’abattement pour frais professionnels concerne les cotisations de Sécurité Sociale et autres cotisations et contributions ayant la même assiette soit :
- La cotisation maladie/maternité/invalidité/décès.
- La cotisation d’accident du travail.
- Les cotisations vieillesse plafonnées et déplafonnées.
- La cotisation d’allocation familiale.
- Les cotisations d’assurance chômage.
- La contribution solidarité autonomie.
- Les cotisations FNAL.
- Le versement mobilité.
- La contribution au dialogue social.
- La contribution à la formation professionnelle.
- La taxe d’apprentissage.
- La participation à l’effort de construction.
- Les cotisations de retraite complémentaire obligatoire.
À noter que dans le cas des journalistes, l’abattement ne s’applique pas pour les cotisations de chômage.
Abattement pour frais professionnels : qui peut en bénéficier ?
Les salariés de certaines professions qui engagent régulièrement des frais dans le cadre de l’exercice de leur activité peuvent bénéficier d’un abattement pour frais professionnels dont le taux de déduction est déterminé en fonction de la profession exercée. On peut citer notamment les métiers artistiques, les journalistes, les ouvriers du BTP ou le transport .
Ainsi, tous les salariés d’une même entreprise ne peuvent pas bénéficier de la déduction.
Précision de l’administration et restriction suite à la mise en place du Bulletin Officielle de Sécurité Sociale.
Le Bulletin Officiel de Sécurité Sociale (BOSS), mis en place en mars 2021, précise que le salarié bénéficiant d’un abattement pour frais professionnels doit effectivement supporter des frais professionnels et ne doit donc pas bénéficier du remboursement de la totalité des frais professionnels par l’employeur dans le cadre de son activité. Condition qui n’était jusque-là pas exigée par l’administration dans la mesure où le salarié faisait partie de la profession éligible.
Il est également précisé que l’employeur doit être en mesure d’apporter les preuves des frais professionnels effectivement supportés par le salarié.
Avec cette nouvelle position de l’Urssaf, de nombreux salariés (et employeurs) qui bénéficiaient jusque-là de l’abattement pour frais professionnels ne pourront plus en bénéficier.
Après une période transitoire d’adaptation, ces nouvelles dispositions sont applicables à compter du 1er janvier 2023.
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Quelques exemples de taux de déduction :
Artistes musiciens, choristes, chefs d’orchestre, régisseurs de théâtre : 20%.
Journalistes, rédacteurs, photographes, directeurs de journaux, critiques dramatiques et musicaux : 30%.
Ouvriers du BTP : 10%.
Chauffeurs et convoyeurs de transports, rapides routiers ou d’entreprise de déménagement par automobiles : 20%.
Voyageurs, Représentants et Placiers (VRP) de commerce ou d’industrie : 30%.
Vous pouvez retrouver tous les taux de déduction par profession dans le Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale (rubrique Frais professionnels -Annexe).
Abattement pour frais professionnels : comment le mettre en place ?
Par accord collectif ou avis favorable du CSE
L’employeur peut opter pour l’application de la déduction forfaitaire spécifique dans les conditions suivantes :
- Soit par accord collectif.
- Soit par accord des représentants du personnel.
En cas d’accord, le salarié ne peut pas s’opposer à l’application de la déduction forfaitaire spécifique.
Comment recueillir l’accord du salarié en cas d’absence d’accord ?
À défaut d’accord collectif ou d’accord avec les représentants du personnel, l’employeur doit recueillir l’accord exprès et non équivoque des salariés concernés.
Chaque année, l’employeur doit informer le salarié, par tout moyen donnant date certaine à la consultation, de l’application de la déduction et des conséquences de celle-ci sur ses droits à l’assurance sociale (IJSS, retraite, …).
Lors de cette consultation, l’employeur recueille l’accord du salarié. Sa décision est applicable au 1er janvier de l’année suivante. En cas d’absence de réponse du salarié, l’abattement pour frais professionnels est réputé être accepté.
Si un salarié souhaite renoncer à l’abattement ou au contraire le mettre en place, la modification prend effet à compter du 01/01 de l’année suivante.
MODÈLE DE COUPON RÉPONSE À ADRESSER AU SALARIE
Je vous remercie de bien vouloir nous retourner ce coupon signé et daté.
Nom :
Prénom :
0 Je suis d’accord pour que l’assiette de mes cotisations sociales soit calculée en application de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels de … % prévue pour ma profession.
0 Je refuse expressément que la déduction forfaitaire spécifique soit appliquée sur l’assiette de mes cotisations sociales.
Date et Signature
Abattement pour frais professionnels : comment le traiter en paie ?
Calcul de l’assiette de cotisations
Mode de calcul
En cas d’application d’un abattement pour frais professionnels, l’assiette de cotisations se calcule de la manière suivante :
Salaire brut soumis à cotisations X (100% – taux d’abattement).
Exemple :
Un transporteur a un salaire brut de 2500 euros et un abattement pour frais professionnel de 20%.
Son assiette de cotisations est de : 2500 X 80 % = 2000 euros.
Pas de déduction forfaitaire spécifique en cas d’absence un mois complet
En cas d’absence du salarié sur un mois complet, rémunérée totalement ou partiellement, la déduction forfaitaire spécifique ne peut pas être appliquée. En effet, l’abattement ne peut porter que sur la rémunération correspondant à du travail effectif du salarié.
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Distinguer la rémunération applicable en cas de pluri-professions
Dans le cas où le salarié exerce plusieurs professions, dont une exigible à l’abattement pour frais professionnels, il convient de distinguer la rémunération afférente à la profession éligible à la déduction pour calculer la base de cotisations.
Limite de déduction.
L’abattement pour frais professionnels est applicable dans la limite de 7600 euros par an.
Exemple :
Un journaliste a un salaire brut de 3000 euros et un taux d’abattement de 30%. Le montant de son abattement professionnel serait de 900 euros par mois soit 10 800 euros par an. La déduction forfaitaire spécifique dépasse le plafond annuel, elle ne sera prise en compte qu’à hauteur de 7600 euros par an.
Respect de l’assiette minimale de cotisations
L’application d’une déduction forfaitaire spécifique ne peut pas faire descendre l’assiette de cotisations en dessous de l’assiette minimale de cotisations soit le montant cumulé du SMIC ou du SMC (Salaire Minimum Conventionnel) si plus favorable et des indemnités, primes et majorations s’ajoutant au salaire en vertu d’une disposition législative ou réglementaire.
À noter que l’assiette minimale de cotisations s’apprécie à chaque échéance de paie et non pas à l’année.
Exemple :
Un salarié a un salaire de base de 1700 euros brut auquel s’ajoute une prime d’ancienneté de 200 euros et un paiement des heures supplémentaires pour 150 euros soit un salaire brut de 2050 euros. Il bénéficie d’une déduction forfaitaire spécifique de 20%.
En appliquant la déduction forfaitaire spécifique, son salaire soumis à cotisation serait de 1640 euros. Ainsi, il serait en dessous de l’assiette minimale de cotisations (SMIC + 200 euros de prime + 150 de paiement pour heures supplémentaires).
Son salaire soumis à cotisations est donc ramené à la valeur de l’assiette minimale de cotisations.
La réintégration des remboursements pour frais professionnels
L’application de la déduction forfaitaire n’exempte pas l’employeur de rembourser les frais professionnels engagés, qu’ils soient en frais réels ou sous forme d’allocation forfaitaire.
Ainsi, les frais professionnels sont, en principe, réintégrés dans la base de cotisations avant application de la déduction forfaitaire spécifique.
Exemple :
Un artiste a un salaire brut de 2000 euros et bénéficie d’une déduction forfaitaire spécifique de 20%. Son employeur lui rembourse 500 euros de frais professionnels.
Salaire brut soumis à cotisations : (2000 + 500) X 80% = 2400 euros
Frais professionnels jamais réintégrés
Certains frais professionnels ne sont jamais réintégrés dans la base de cotisations. Il s’agit de (liste non exhaustive) :
- La prise en charge obligatoire (50%) des frais de transport domicile-travail en cas d’utilisation d’un mode de transport public (la partie excédentaire doit quant à elle être réintégrée).
- La contribution patronale des titres-restaurants dans les limites définies par la législation.
- Les indemnités de grands déplacements versées aux ouvriers du bâtiment.
- Les indemnités journalières de “défraiement” et les allocations de “saison” (concerne certaines professions artistiques).
- Certaines allocations et frais professionnels des journalistes professionnels.
Impact sur la réduction générale des cotisations
En cas de déduction forfaitaire spécifique, un calcul particulier est applicable à compter du 1er janvier 2020 afin d’éviter “l’effet d’aubaine” de l’abattement pour frais professionnels sur la réduction générale de cotisations patronales.
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Je télécharge les 8 fichesAinsi, la réduction générale de cotisations ne doit pas être supérieure au montant calculé sans la déduction forfaitaire spécifique majorée de 30%.
Exemple :
Un salarié a un salaire brut de 2300 euros avec une déduction forfaitaire spécifique de 20% et une réintégration pour frais professionnels de 200 euros.
Calcul avec la déduction forfaitaire spécifique : ((2300 + 200) X 80% ) X 0,1302) = 260,43 euros.
Calcul sans la déduction spécifique majorée de 30% : 2300 X 0,0435 = 100,13 X 130% = 130,17 euros.
Il convient de prendre en compte la réduction générale de cotisations patronales à hauteur de 130,17 euros au lieu de 260,43 euros.
Dérogation pour certaines activités
Certains secteurs d’activité qui utilisent massivement la déduction forfaitaire spécifique devraient sortir du dispositif d’ici une dizaine d’année afin de revenir au système de rembourrement des frais professionnels du régime général. Il s’agit des secteurs suivants :
- Propreté.
- Construction.
- Aviation civile.
- Transport routier.
- Journalisme (presse et audiovisuel).
Pour ces secteurs d’activité, certaines dérogations sont admises et notamment :
- La déduction reste applicable même en cas d’absence de frais professionnels réellement engagés.
- Il ne sera pas nécessaire de recueillir de nouveau l’accord des salariés (dans des conditions différentes en fonction du secteur) jusqu’à l’extinction du dispositif sauf nouvel embauche.
- Les remboursements ou prises en charge de l’employeur ne doivent pas obligatoirement être réintégrés dans la base de cotisation avant application de la DFS.
Quelques questions que pourraient vous poser vos salariés sur l’abattement pour frais professionnels.
Augmentation du net à payer
L’application de la déduction forfaitaire spécifique permet au salarié d’augmenter son net à payer, car il diminue son assiette de cotisations salariales.
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Impact en cas d’arrêt de travail
En cas d’arrêt de travail pour maladie, maternité ou accident du travail, l’indemnité journalière de Sécurité Sociale (IJSS) est calculée sur le salaire soumis à cotisations maladie donc après application de la déduction forfaitaire spécifique. Ainsi, un salarié pour lequel il est appliqué un abattement pour frais professionnels aura son IJSS minorée.
Toutefois, de nombreuses conventions collectives prévoient un maintien du salaire, sous certaines conditions, par l’employeur pour les salariés en arrêt de travail, puis une prise en charge par un organisme de prévoyance lorsque le maintien de salaire cesse. Ainsi, dans ce contexte, l’impact de l’abattement pour frais professionnels est moindre pour le salarié.
Impact sur les indemnités de chômage.
De la même manière que pour l’IJSS, la base de calcul prise en compte par pôle emploi pour calculer l’allocation ARE (Aide au Retour à l’Emploi) est la base soumise à cotisations de chômage soit la base minorée de la déduction forfaitaire spécifique. Ainsi, le salarié bénéficiera, en cas de cessation de son contrat de travail, d’une allocation ARE minorée.
Impact sur les cotisations de retraite complémentaire.
La déduction forfaitaire spécifique minore la base de cotisations de retraite complémentaire. Ainsi, au moment de faire valoir ses droits à la retraite, les trimestres seront validés sur la base du salaire abattu. La pension de retraite sera donc minorée.