DRH et Directeurs de la transformation : sont-ils complémentaires ? concurrents ?

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Et si la véritable puissance d’une transformation résidait non pas dans les outils… mais dans l’alliance entre deux fonctions souvent perçues comme rivales ? DRH et directeurs de la transformation naviguent sur des territoires qui s’entremêlent, parfois jusqu’à créer des tensions invisibles. Pourtant, lorsqu’ils unissent leurs forces, les organisations gagnent en fluidité, en engagement et en cohérence.

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Consultante Rh, plus de 25 ans d'expérience, visionnaire et passionnée.

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Pendant longtemps, la fonction RH a porté seule la responsabilité d’accompagner les transformations internes. Pourtant, l’apparition croissante des postes de Directeurs de la Transformation, en particulier dans les ETI et grands groupes, rebat les cartes.

Faut-il y voir une complémentarité naturelle ou une concurrence subtile entre deux directions qui interviennent sur des terrains parfois voisins. Notons par ailleurs que ce phénomène s’observe aussi de plus en plus dans les PME en mutation.

Alors que les organisations de toutes tailles naviguent entre restructurations, évolutions réglementaires, digitalisation et attentes sociétales accrues, la question n’a jamais été aussi stratégique.

D’autant que chaque transformation repose sur l’engagement humain, comme l’illustrent les nombreux retours de terrain publiés récemment sur Culture RH, notamment autour de la résistance au changement ou des leviers d’engagement managérial.

Finalement, DRH et directeurs de la transformation poursuivent-ils le même but avec des chemins différents, ou doivent-ils apprendre à construire une alliance solide pour éviter la friction organisationnelle ?

Une frontière entre les rôles… plus poreuse qu’il n’y paraît

Sur le papier, la distinction semble simple : le DRH pilote le social, les compétences, la culture et les conditions d’engagement. Le directeur de la transformation, quant à lui, structure la trajectoire de changement, définit les feuilles de route et pilote les chantiers stratégiques.

Cependant, lorsqu’on observe les pratiques réelles, la frontière se brouille immédiatement.

En effet, toute transformation, qu’elle soit digitale, organisationnelle ou culturelle, se heurte à la réalité du terrain : motivations, rituels d’équipe, pratiques managériales, peurs individuelles, mémoire collective de l’organisation… autant de dynamiques que la fonction RH connaît intimement.

À l’inverse, la transformation ambitionne de faire évoluer la culture, les modes de travail et les comportements, zones historiquement gérées par les RH. Même la mise en place d’un nouvel ERP devient une affaire humaine tant la réussite dépend du niveau d’appropriation des équipes !

Ainsi, si leurs feuilles de route semblent distinctes, leurs terrains d’exécution se superposent largement. C’est précisément là que naissent les malentendus… mais aussi les meilleures synergies possibles.

Quand les rôles entrent en tension : trois sources de friction fréquentes

Même dans les organisations les plus matures, DRH et directeurs de la transformation peuvent se retrouver en situation d’opposition indirecte. Non pas par volonté de s’affronter, mais parce que leurs mandats, leurs priorités et leurs temporalités ne sont pas toujours alignés.

Trois zones de friction émergent régulièrement.

La vision du temps

La transformation répond souvent à une logique de cadence, de livrables, de repères de pilotage à atteindre, là où la fonction RH adopte davantage une vision cyclique, inscrite dans le temps long du développement humain.

Lorsque l’un parle “phase de déploiement”, l’autre pense “gestion de l’appropriation”.

L’arbitrage des priorités humaines

Prenons un exemple très concret, observé dans une PME industrielle. Le projet de transformation visait à tout faire évoluer en même temps : les façons de travailler, l’outil informatique principal et la structure des équipes.

Côté RH, une alerte a rapidement été posée : trop de changements simultanés risquaient d’épuiser les équipes et de fragiliser l’engagement. La demande était donc simple : avancer par étapes.

De son côté, la direction de la transformation craignait qu’un rythme plus progressif retarde les résultats attendus et dilue l’impact du projet.

En réalité, les deux lectures étaient justes. Elles traduisaient simplement deux priorités différentes : préserver l’énergie humaine d’un côté, sécuriser la performance économique de l’autre.

La question du leadership managérial

Entre les attentes de la transformation (porter le changement, trancher, accélérer) et les besoins RH (sécuriser, soutenir, développer la maturité managériale), les managers de proximité se retrouvent parfois pris dans une injonction contradictoire.

Plusieurs articles récents parut dans Culture RH présentent les leviers pour incarner le rôle de manager ou sur la résistance au changement et illustrent parfaitement ces tensions vécues au quotidien.

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Pourtant, l’alliance DRH – transformation est un levier de performance massif

Plutôt que de réfléchir en termes de concurrence, les organisations les plus avancées misent sur une articulation fine des deux fonctions. Non seulement parce qu’elles poursuivent un objectif commun : réussir la transformation, mais aussi parce que leurs expertises sont puissamment complémentaires.

D’abord, le directeur de la transformation apporte une lecture systémique, une capacité à orchestrer des projets complexes et à piloter des indicateurs de performance.

De son côté, le DRH détient une compréhension profonde des mécanismes humains, des dynamiques collectives, des leviers d’engagement et des risques psychosociaux.

Lorsque les deux travaillent ensemble, un effet multiplicateur apparaît immédiatement. Les projets avancent plus vite, les irritants sont détectés en amont, les résistances se réduisent et l’expérience collaborateur devient un facteur de réussite plutôt qu’une variable d’ajustement.

On le constate notamment dans les démarches de conduite du changement analysées précédemment (voir articles) : accompagnement, communication, rituels managériaux et valorisation des efforts sont autant de leviers qui nécessitent cette alliance.

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Une réalité pour beaucoup d’entreprises

Prenons un exemple qui pourrait être réel tant il ressemble à ce que vivent aujourd’hui de nombreuses organisations :

Une ETI du secteur des services engage une transformation digitale ambitieuse : déployer une plateforme unique de relation client et harmoniser des processus commerciaux jusque-là très hétérogènes.

Le directeur de la transformation pilote le projet avec méthode et rigueur. Le calendrier est serré, les enjeux financiers clairs, et la réussite dépend d’une adoption rapide par les équipes terrain.

Pourtant, sur le terrain justement, le projet est perçu comme une contrainte supplémentaire, venant s’ajouter à une charge de travail déjà élevée.

En parallèle, la DRH observe des signaux faibles qui s’accumulent : hausse du stress, pratiques managériales qui se fragmentent, incompréhensions croissantes entre les équipes et le siège : le risque de désengagement devient tangible.

Plutôt que de laisser ces tensions s’installer ou de multiplier des plans d’action distincts, les deux directions choisissent de travailler ensemble.

Elles mettent en place un comité de pilotage commun et prennent plusieurs décisions structurantes : mieux comprendre les résistances au changement, renforcer l’accompagnement des managers de proximité, rendre visibles les premiers efforts d’adoption et ajuster le rythme de la transformation en fonction des retours du terrain.

Dans ce scénario, les résultats sont au rendez-vous. L’appropriation progresse plus vite que prévu, les équipes retrouvent des repères, et la transformation gagne en crédibilité.

Ce n’est pas la technologie qui a fait la différence, mais bien la coordination étroite entre la fonction RH et la direction de la transformation.

Alors, alliés ou concurrents ? Cela dépend de trois choix structurants

La complémentarité ne se décrète pas. Elle se construit. Trois décisions organisationnelles font toute la différence:

Définir clairement les périmètres… tout en acceptant leur porosité

Il ne s’agit pas de cloisonner, mais d’organiser la circulation. Le DRH peut par exemple piloter la dimension humaine d’un projet de transformation, tandis que le directeur de la transformation en garde la gouvernance globale.

Cette lisibilité réduit les zones grises et sécurise les équipes.

Instituer une co-responsabilité de l’engagement

Dans les projets réussis, on observe un principe simple : RH et Transformation partagent explicitement la responsabilité du niveau d’appropriation interne. Ainsi, chacun porte un pan de la réussite, mais aucun ne devient le “gardien” unique du facteur humain.

Installer des rituels communs

Comités projets mixtes, indicateurs partagés, débriefs managers croisés, retour des irritants, analyse des signaux faibles… Ces rituels permettent de passer d’une coopération “de courtoisie” à une coopération “de performance”.

Ce fonctionnement reflète d’ailleurs les bonnes pratiques évoquées dans Accompagner le changement : outils pratiques et erreurs à éviter.

Vers un nouveau modèle : le binôme DRH – transformation comme moteur culturel

Au-delà de la simple coordination de projets, un nouveau modèle émerge. Les organisations les plus agiles positionnent désormais le binôme DRH -Transformation comme cœur actif de la culture d’entreprise.

Non seulement ce binôme incarne l’ambition stratégique, mais il devient le garant d’une transformation humaine, progressive et mesurable. Ce modèle s’impose car il répond à une réalité incontournable : aucune transformation n’aboutit sans confiance et sans engagement.

Or la confiance se construit au quotidien, dans la cohérence entre discours et pratiques. C’est précisément sur ce terrain que les deux directions doivent unir leurs forces.

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La question n’est donc plus de savoir s’ils sont concurrents, mais plutôt comment ils peuvent porter ensemble une trajectoire durable, articulée autour d’une ambition commune : faire évoluer l’organisation en respectant ceux qui la font vivre.

Conclusion : une alliance stratégique à renforcer, non un duel à arbitrer

L’époque où DRH et directeurs de la transformation travaillent en parallèle est bien réelle, mais tend à disparaître au profit des défis actuels (innovations, exigences réglementaires, tensions sur les compétences, nouveaux modes de travail), et émerge à présent une approche plus intégrée.

Pour réussir, organisations et dirigeants devront donc sortir du mythe de la rivalité. Car lorsque les deux fonctions s’allient, la transformation devient plus lisible, plus fluide et surtout plus engageante.

Et, en filigrane, c’est toute la culture d’entreprise qui en sort renforcée.

Pour aller plus loin, d’autres articles explorent déjà ces dynamiques humaines essentielles : valorisation des efforts, conduite du changement, leviers managériaux, ou encore résistance au changement. Autant de ressources utiles pour poursuivre cette réflexion dans une logique cohérente et durable.

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