Réserves sur un accident du travail : ce que dit la loi + exemples

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Émettre des réserves motivées constitue l’un des leviers essentiels dont disposent les entreprises pour agir en cas d’accident du travail. Comment émettre des réserves suffisamment motivées et efficaces ? Rappel des bonnes pratiques à connaître.

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Composé de 7 avocats, le cabinet ALD Avocats (Anne-Laure Denize Avocats) accompagne les entreprises dans les problématiques quotidiennes qu’elles peuvent rencontrer notamment en matière de droit social et de droit de la sécurité sociale, en particulier dans la gestion des risques Accident du Travail et Maladie Professionnelle.

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Émettre des réserves motivées en cas d’accident constitue l’un des leviers essentiels dont disposent les entreprises pour agir sur les cotisations sociales « Accidents du travail et Maladies Professionnelles » souvent élevées qu’elles versent.

Mais que recouvre cette notion ? Comment émettre des réserves suffisamment motivées et efficaces ? Voici les bonnes pratiques à connaître.

Par principe, en application des dispositions des articles L 441-2 et R 441-1 du Code de la sécurité sociale, l’employeur est tenu de déclarer tout accident dont il a connaissance dans un délai impératif de 48 heures*.

L’employeur ne peut décider lui-même du caractère professionnel d’un accident, décision qui relève de la CPAM (ou de la MSA dans le régime agricole). Il est tenu de déclarer tout accident signalé, sous peine de sanctions financières.

S’il souhaite exprimer un doute sur les circonstances de l’accident, il peut le faire uniquement en formulant des réserves motivées au moment de la déclaration.

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Les réserves motivées : c’est quoi ?

Même si le Code de la sécurité sociale fait référence à la notion de « réserves motivées » de l’employeur, il n’en donne aucune définition.

De manière simplifiée, les réserves sont l’expression des doutes de l’employeur sur la réalité de l’accident déclaré par l’un de ses salariés.

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À ce stade, l’employeur n’est pas tenu de rapporter la preuve du bien-fondé de ses réserves (cf. Cass Civ 2ème, 17 mars 2022, pourvoi n° 20-21642).

Il doit cependant faire en sorte que les réserves émises soient suffisamment motivées afin d’être considérées comme étant recevables par la CPAM ou la MSA.

La Cour de cassation est venue définir ce que recouvre la notion de « réserves motivées » et a retenu de manière limitative que pour être recevables, les réserves devaient porter strictement sur :

  • Les circonstances de temps et de lieu de l’accident,
    • et/ou l’existence d’une cause totalement étrangère au travail.

(cf. Cass Civ 2ème, 10 juillet 2008, pourvoi n° 07-18110)

Les réserves émises sur le fondement d’autres motifs ne sont pas recevables, tels que :

  • La faute du salarié,
    • le fait d’arriver en avance sur le lieu du travail, le non-respect des consignes, le non-port des équipements de protection individuels,
  • la responsabilité d’un tiers.

Voici quelques exemples de motifs de réserves motivées recevables, le plus souvent invoqués de manière cumulative :

  • Le salarié n’a déclaré aucun fait accidentel particulier à l’origine de la lésion déclarée :

Exemples :

  • Le salarié marchait normalement et a déclaré une sciatique,
  • le salarié a monté une marche, sans choc ni faux mouvement, et a déclaré une entorse du genou.
  • Le salarié ne justifie d’aucun témoin de l’accident alors qu’il ne travaillait pas seul.

Sur ce motif, la position de la Cour de cassation est constante (cf. Cass Civ 2ème, 10 novembre 2022, pourvoi n° 21-14169).

  • Le salarié a continué de travailler normalement et a prévenu son responsable tardivement (à compter du lendemain).

Sur ce motif, la Cour de cassation a ainsi admis comme recevables les réserves de l’employeur, rédigées de la manière suivante : « nous souhaitons vous faire part de nos plus sérieuses réserves quant à l’origine professionnelle de l’accident. En effet, la victime ne nous a pas prévenus à la fin de sa journée de travail de la survenance de son présumé accident. Nous n’avons été informés des faits que le lendemain. Au vu de ces éléments, il n’existe pas de preuve de penser que les causes de cet accident soient liées à son activité salariée de la veille » (cf. Cass Civ 2ème, 18 mars 2021, pourvoi n° 20-10411).

  • La constatation médicale initiale de la lésion est tardive :
    • Le certificat médical initial date du lendemain pour une lésion générant théoriquement une impotence fonctionnelle immédiate (entorse de la cheville par exemple),
    • Le certificat médical initial a été établi à compter du surlendemain ou après un week-end (peu importe la lésion).
  • La lésion n’est pas cohérente avec le fait accidentel déclaré :

Exemples :

  • Le constat d’une hernie discale alors que le salarié descendait les escaliers,
  • Le constat d’une tendinopathie de l’épaule alors que le salarié déplaçait un colis léger.
  • La lésion correspond à la simple manifestation d’un état antérieur non aggravé par le travail :

Exemples :

  • La déclaration d’un lumbago alors que le salarié avait rangé sa ceinture de maintien lombaire dans son vestiaire avant de commencer sa journée de travail,
  • La déclaration d’une sciatique alors que le salarié devait être opéré,
  • La déclaration d’un malaise au travail alors que le salarié avait oublié de prendre son traitement pour l’hypertension.

Pourquoi émettre des réserves ?

Formuler des réserves a pour but d’obliger la CPAM ou la MSA à ouvrir une enquête afin de vérifier les circonstances avancées par le salarié avant toute décision sur la prise en charge de l’accident. Cette étape peut amener la Caisse à refuser de reconnaître le caractère professionnel de l’événement.

Dès lors que les réserves sont recevables, la Caisse doit engager une instruction. Elle vérifie alors les faits auprès du salarié et de l’employeur.

Cette procédure se déroule de manière contradictoire. L’employeur peut y répondre, donner sa version des faits, consulter le dossier d’instruction et transmettre des observations que la Caisse doit examiner avant de statuer.

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Si la CPAM (ou la MSA) écarte les réserves motivées et décide de prendre en charge l’accident sans mener d’instruction contradictoire, ce manquement pourra être sanctionné par l’inopposabilité de la décision de prise en charge à l’égard de l’employeur (cf. Cass. civ. 2, 09 décembre 2021, n° 20-18.234).

Il convient d’insister sur le fait que si l’employeur n’a pas émis de réserves, la Caisse n’a aucune obligation d’engager une instruction et même si finalement, le salarié a prévenu tardivement ou a fait constater une lésion non rattachable dans un temps éloigné, la Caisse a la possibilité, soit de son propre chef d’engager une instruction, soit de décider de prendre en charge d’emblée l’accident du travail sans vérifier les allégations du salarié.

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Dans quel délai émettre des réserves ?

Selon l’article R 441-6 du Code de la sécurité sociale, l’employeur dispose d’un délai de 10 jours francs à compter de la date d’établissement de la déclaration d’accident du travail pour adresser des réserves à la Caisse.

Il est toutefois conseillé de formuler ces réserves dès la déclaration de l’accident, idéalement dans les 48 heures suivant la prise de connaissance des faits. C’est généralement à ce moment que les éléments permettant de justifier les réserves sont les plus précis et les plus faciles à réunir.

Le délai légal de 10 jours francs correspond à des jours calendaires et se termine le dixième jour à minuit. Ce délai est strict : toute réserve transmise après cette échéance sera écartée par la Caisse.

À noter que la CPAM ou la MSA est également tenue de respecter ce délai. Ainsi, si elle prend une décision de prise en charge avant son expiration, celle-ci ne pourra pas être opposée à l’employeur.

De quelle manière émettre des réserves ?

Le Code de la sécurité sociale n’évoque pas de modalités précises d’émission des réserves, qui peuvent être formulées « par tout moyen conférant date certaine » à leur réception suivant l’article R 441-6 ci-avant mentionné.

Le CERFA 14463*03 de déclaration d’accident du travail, reporté en partie sur le Compte Entreprise (en remplacement de Net-Entreprises pour notamment établir les déclarations d’accident du travail), prévoit un encart pour émettre des « éventuelles réserves motivées ».

Le Compte Entreprise permet également de modifier cet encart, même après validation de la déclaration d’accident du travail, dans le délai de 10 jours francs ci-avant évoqué.

Le nombre de caractère étant limité (128 caractères), il est conseillé de télécharger en annexe de la déclaration d’accident du travail un courrier circonstancié directement sur le site Compte Entreprise.

Il est également vivement recommandé de joindre à ce courrier tout justificatif, tel qu’une attestation sur l’honneur (sur cerfa officiel avec copie recto verso de la pièce d’identité de l’attestant), un certificat médical ou tout autre document venant étayer les réserves émises.

Il est toujours possible d’adresser également la lettre de réserves par lettre recommandée avec accusé réception, afin de pouvoir justifier d’une date certaine de réception par la Caisse.

Pour conclure

Les réserves ne doivent pas être considérées comme une simple faculté laissée à l’employeur.

Même si le délai pour les formuler est court, il reste essentiel, avant toute déclaration, de vérifier en interne la cohérence des faits rapportés par le salarié et la concordance entre la blessure déclarée et ces faits.

En cas de doute sur la réalité de l’accident ou sur le lien entre la lésion et l’activité professionnelle, il convient d’en informer la CPAM ou la MSA.

Rappelons qu’un accident reconnu entraîne pour l’entreprise des cotisations spécifiques. L’employeur a donc tout intérêt à signaler toute situation incertaine ou susceptible d’être contestée.

Si aucune réserve n’a pu être formulée dans les délais, l’employeur peut encore contester la décision de prise en charge.

Cette contestation s’effectue d’abord devant la Commission de Recours Amiable, puis, si nécessaire, devant le Pôle Social du Tribunal Judiciaire. Le délai pour engager ce recours est de deux mois à compter de la notification de la décision de la Caisse.

À noter : en cas d’accident mortel, depuis le décret n°2023-452 du 9 juin 2023, l’employeur doit également informer l’inspection du travail dans les 12 heures suivant la connaissance de l’accident. Le non-respect de cette obligation expose à une contravention de 5ᵉ classe.

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