Veille jurisprudentielle Octobre 2025

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Ce mois-ci, une veille jurisprudentielle composée d'arrêts aux thèmes variés dont un, essentiel pour le droit des salariés en télétravail. Bonne lecture.

Auteur / Autrice

Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

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Sommaire de l'article

Pour ce mois d’octobre, nous commençons par un arrêt particulièrement important sur le droit des télétravailleurs à bénéficier de titres-restaurant.

Nous avons ensuite sélectionné des arrêts autour de thèmes variés, comme la faculté d’individualisation des sanctions disciplinaires de l’employeur ou le moment de remise des documents de fin de contrat en cas de licenciement pour faute grave.

Enfin, nous finirons par un arrêt utile pour éviter de transformer une mise en garde en sanction disciplinaire.

Bonne lecture

Télétravail et tickets-restaurant

Cass. soc., 8 octobre 2025, n° 24-12.373

Ce qu’il faut retenir

Les salariés en télétravail ont droit aux titres-restaurant

Le cas détaillé

Un salarié saisit les prud’hommes afin d’obtenir le paiement d’une somme correspondant à la contribution patronale sur les titres-restaurant pour une période durant laquelle il a exercé son activité en télétravail.

Les juges donnent raison au salarié.

L’employeur se pourvoit en cassation. Il soutient que cette différence de traitement s’explique par le fait que les salariés en télétravail et ceux présents sur site n’étaient placés dans une situation comparable.

La Cour de cassation donne également raison au salarié.

S’appuyant sur l’article L. 1222-9, III, alinéa 1er, du Code du travail, qui dispose que «le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise», elle pose un principe clair :

« L’employeur ne peut refuser l’octroi de titres-restaurant à des salariés au seul motif qu’ils exercent leur activité en télétravail. »

Dès lors que les salariés travaillant sur site bénéficient de titres-restaurant, les télétravailleurs doivent également en bénéficier, si le repas est compris dans l’horaire de travail,

La seule condition d’attribution d’un titre-restaurant est que le repas soit compris dans l’horaire journalier, indépendamment du lieu d’exécution du travail.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation met un terme au débat relatif à l’octroi de titres-restaurant aux salariés en télétravail.

Pouvoir disciplinaire de l’employeur et individualisation des sanctions

Cass. soc., 17 septembre 2025, n°23-22.456

Ce qu’il faut retenir

L’individualisation des sanctions disciplinaires pour une même faute ne constitue pas en soi une discrimination

Le cas détaillé

Une salariée travailleuse familiale, est licenciée pour faute grave. Il lui est reproché d’avoir tardé à signaler des suspicions d’abus sexuels sur mineurs dans une famille qu’elle suivait et qui avaient été portées à sa connaissance.

Deux autres salariées, elles aussi informées de la situation, ont également été sanctionnées, l’une d’un licenciement pour faute grave, l’autre d’un avertissement.

La salariée conteste son licenciement pour faute grave, estimant avoir été victime de discrimination dans la sanction qui lui a été appliquée.

À tort, selon la Cour de cassation, qui approuve la décision d’appel qui a constaté, à propos des deux autres salariées, que l’une a également été licenciée pour faute grave en raison du caractère tardif de sa révélation à sa hiérarchie de suspicions d’abus sexuels sur mineurs connus par elle alors qu’elle avait suivi cette famille durant toute la période et, que l’autre, qui a fait l’objet d’un avertissement pour la même faute, qu’elle n’avait suivi cette famille que quelques mois et n’avait pas été informée de l’existence de nouveaux éléments alarmants par la suite.

En l’espèce, l’individualisation des sanctions disciplinaires est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ou détournement de pouvoir.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation réaffirme, selon une jurisprudence constante, le pouvoir de l’employeur d’individualisation des sanctions disciplinaires. 

Licenciement pour faute grave et remise des documents de fin de contrat

Cass. soc. 3 septembre 2025, n°24-16546

Ce qu’il faut retenir

En cas de licenciement pour faute grave, l’employeur délivre les documents de fin de contrat dès la rupture, au moment de la notification de licenciement. 

Le cas détaillé

Une salariée est licenciée pour faute grave. Elle saisit la juridiction prud’homale pour contester cette rupture et demander la condamnation de l’employeur à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat, alors « que le licenciement pour faute grave entraîne la rupture immédiate du contrat de travail sans préavis, de sorte que la remise des documents de fin de contrat doit intervenir le jour du départ du salarié de l’entreprise ».

La Cour d’appel la déboute de ses demandes.

La salariée se pourvoit en cassation. 

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel. 

Elle rappelle que l’employeur doit délivrer au salarié, au moment de la rupture de son contrat de travail, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et des attestations permettant au salarié d’exercer ses droits aux prestations sociales.

Or, la  faute grave étant  privative du préavis, la rupture du contrat de travail est fixée à la date de notification du licenciement pour faute grave.

L’employeur doit donc remettre sans délai les documents de fin de contrat dès la notification de licenciement. 

‍A lire également :

Délai d’action en nullité d’une transaction 

Cass. soc. 8 octobre 2025, n°23-23501

Ce qu’il faut retenir

Une demande de nullité d’une transaction portant sur l’exécution du contrat se prescrit par 5 ans

Le cas détaillé

Une salariée signe en 2015 une transaction portant sur l’exécution de son contrat de travail. À son retour d’arrêt maladie, elle estime continuer à être victime de faits de harcèlement moral et saisit en 2018 la juridiction prud’homale afin de faire annuler la transaction et obtenir de substantielles indemnités au titre de divers préjudices subis pendant l’exécution du contrat.

S’appuyant sur l’article L.1471-1 du Code du travail, en vertu duquel les actions en lien avec l’exécution du contrat de travail se prescrivent par deux ans, la Cour d’appel juge son action prescrite.

La salariée se pourvoit en cassation.

 La Cour de cassation donne raison à la salariée et casse l’arrêt d’appel. 

Elle juge qu’en vertu de la combinaison des articles 2224 du Code civil et L. 1471-1, alinéa 1er, du Code du travail, l’action aux fins de nullité d’une transaction ayant mis fin à un litige relatif à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail revêt le caractère d’une action personnelle et relève de la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil.

Licenciement pour faute grave et dédit-formation

Cass. soc. 17 septembre 2025, n°23-23.830

Ce qu’il faut retenir

Aucune indemnité n’est due en cas de licenciement pour faute grave

Le cas détaillé

Un salarié est licencié pour faute grave après avoir bénéficié d’une formation qualifiante.  Son contrat prévoit le remboursement proratisé de la formation « en cas de rupture de son fait ». L’employeur avait ainsi retenu une somme sur son dernier salaire, estimant que la faute grave rendait la rupture imputable au salarié. 

Les juges d’appel valident cette retenue. 

Le salarié se pourvoit en cassation. 

À tort, selon la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel : même si la faute rend la rupture imputable au salarié, l’initiative en revient à l’employeur, ce qui suffit à écarter l’application de la clause.

En effet, il est de jurisprudence constante que la clause de dédit-formation ne peut être appliquée que lorsque la rupture du contrat de travail intervient à l’initiative du salarié, c’est-à-dire  en cas de démission ou de prise d’acte à ses torts, situations dans lesquelles la rupture lui est pleinement imputable.

La clause est inapplicable dès lors que la rupture est à  l’initiative de l’employeur, quelle qu’en soit la cause.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation réaffirme que la clause de dédit-formation ne peut être mise en œuvre en cas de licenciement, y compris lorsqu’il est prononcé pour faute grave, dès lors que la rupture du contrat n’émane pas du salarié.

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Mise à pied conservatoire et enquête interne

Cass. soc. 17 septembre 2025, n°23-23.671

Ce qu’il faut retenir

La nécessité de réaliser une enquête justifie un délai de 3 semaines entre une mise à pied conservatoire et la convocation à entretien préalable

Le cas détaillé

Un salarié est mis à pied à titre conservatoire pendant 20 jours le temps que le référent sécurité de l’entreprise réalise une enquête interne sur des faits de harcèlement moral et sexuel. Il est ensuite convoqué à un entretien préalable puis est licencié pour faute grave.

La Cour d’appel requalifie la mise à pied conservatoire du salarié en mise à pied disciplinaire , au motif que, dans le courrier de notification de la mise à pied, l’employeur n’a pas informé le salarié de la suspension de sa décision aux résultats d’une enquête interne.

Le salarié n’a donc pas eu connaissance du caractère purement conservatoire de cette mesure lors de sa notification.

De plus, selon elle, il n’est pas établi que le délai de 20 jours qui sépare la notification de la mise à pied conservatoire et l’engagement de la procédure de licenciement est justifié par la réalisation d’une enquête interne. 

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. 

Pour elle, la mise à pied, qualifiée de conservatoire, était prise dans l’attente d’une décision suite à une enquête interne confiée au référent sécurité et ne constituait pas une sanction. 

Le délai de 20 jours était justifié par la nécessité de procéder à des investigations avant d’engager une procédure de licenciement pour faute grave.

Pour la Cour de cassation, il n’y a aucune obligation d’informer le salarié de l’ouverture d’une enquête interne lors de la notification de la mise à pied conservatoire. 

C’est pourquoi, le salarié avait été informé ultérieurement d’une enquête interne en cours et de la suspension de toute décision dans l’attente des résultats de cette enquête. 

Mise en garde et sanction disciplinaire 

Cass. soc. 1er octobre 2025, n°24-14.048

Ce qu’il faut retenir

Selon la rédaction d’une mise en garde, celle-ci peut constituer ou non une sanction disciplinaire

Le cas détaillé

Une salariée saisit la juridiction prud’homale d’une contestation d’un rappel à l’ordre qui lui a été notifié et réclame des dommages et intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée.

En effet, pour la salariée, le courrier constituait un avertissement qui lui rappelait de respecter son planning, de signer le cahier de présence, d’utiliser son badge et que le non-respect de son contrat de travail constituait une faute pouvant être sanctionnée disciplinairement et entraîner un licenciement. 

La Cour d’appel rejette la demande de la salariée, considérant que le courrier était une simple lettre de recadrage pour lui rappeler les obligations qui découlent de son contrat de travail. 

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et donne raison à la salariée.

Le courrier par lequel l’employeur formule des reproches précis et invite un salarié à respecter des consignes  sous peine de licenciement disciplinaire constitue une sanction disciplinaire. 

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