L’accord de performance collective: conditions, mise en place, application…

L’accord de performance collective: conditions, mise en place, application…
Claire Maugin

L’accord de performance collective permet à une entreprise d’aménager plus facilement les salaires et la durée du travail, en sécurisant sa situation au cas où un ou plusieurs salariés refuseraient ces changements.

En effet, l’entreprise est dans ce cas autorisée à licencier le ou les salariés, pour un motif spécifique (ni personnel, ni économique) considéré comme a priori valable. En outre, quel que soit le nombre de licenciements, elle n’a pas à passer par un plan de sauvegarde de l’emploi.

Cet outil favorise ainsi l’adaptation des entreprises à l’évolution de leur situation, notamment si elles rencontrent des difficultés économiques. Il pourrait s’avérer utile et connaître un regain d’intérêt dans le contexte actuel.

Dans cet article, nous faisons le point sur son fonctionnement.

Quelles sont les conditions de conclusion d’un accord de performance collective ?

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La définition des objectifs que peut poursuivre un accord de performance collective est très large. Cependant, la conviction qu’un tel accord est nécessaire à l’entreprise doit être partagée, puisque s’agissant d’un accord collectif, il doit être signé dans les conditions de droit commun par l’employeur et des représentants des salariés, et/ou approuvé par un vote des salariés.

Quand peut-on conclure un accord de performance collective ?

Toutes les entreprises peuvent conclure ce type d’accord, quel que soit leur effectif.

Le Code du travail définit très souplement les conditions dans lesquelles la conclusion d’un accord de performance collective peut être envisagée. Un tel accord peut en effet être signé :

  • afin répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ;
  • ou en vue de préserver ou de développer l’emploi (Code du travail, article L 2254-2).

Ce type d’accord peut ainsi être négocié dès que l’adaptation du statut du personnel (salaires, durée du travail et conditions de mobilité) s’avère nécessaire, ce qui peut recouvrir de nombreuses situations.

A noter  L’accord doit comporter un préambule présentant ces objectifs.
Exemples.
Un accord de performance collective peut être conclu :
– en cas de baisse des commandes, afin de diminuer temporairement la durée du travail et/ou les rémunérations ;
– après la fusion de plusieurs entreprises, afin d’unifier les régimes d’aménagement du temps de travail ou ceux des rémunérations ;
– après le rachat d’un fonds de commerce par une entreprise, afin de définir les conditions dans lesquelles les salariés de l’entité acquise devront accepter une mobilité et venir travailler dans les établissements de l’entreprise repreneuse.

Avec qui un employeur peut-il négocier un accord de performance collective ?

L’accord de performance collective est accord collectif. Il peut donc être négocié et conclu dans les conditions de droit commun.

Rappelons que pour être valable, en présence d’un ou plusieurs délégués syndicaux désignés par des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, un accord collectif d’entreprise doit être conclu avec une ou plusieurs de ces organisations :

  • ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur des de telles organisations lors du premier tour des dernières élections professionnelles ;
  • ou ayant recueilli plus de 30 % mais moins de 50 % des suffrages exprimés en faveur de telles organisations lors du premier tour des dernières élections professionnelles. Dans ce cas, l’accord doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

En l’absence de délégué syndical dans l’entreprise, l’accord doit être conclu selon les cas, en particulier selon l’effectif, directement avec les salariés, ou avec des salariés mandatés ou non par une organisation syndicale, membres ou non de la délégation au comité social et économique.

A noter  Comme tout accord collectif, l’accord de performance collective doit être déposé auprès de l’administration (Code du travail, articles L 2231-5 et suivants et D 2231-4 et suivants).
En revanche, il ne doit pas être versé dans la base de données nationale pour publication sur le site Légifrance, car il peut contenir des informations confidentielles (Code du travail L 2231-5-1).

Quels sont les moyens d’information des négociateurs représentants les salariés ?

  • En premier lieu, comme tout accord collectif, l’accord de performance collective doit être négocié de façon loyale par l’employeur, ce qui suppose que celui-ci fournisse aux représentants des salariés engagés dans la négociation toutes les informations utiles.

En pratique, il est conseillé de communiquer aux négociateurs toutes les informations leur permettant de comprendre le contexte dans lequel se trouve l’entreprise, les objectifs de l’accord, et l’adéquation entre les mesures proposées et ces objectifs. Les représentants des salariés, ou les salariés eux-mêmes, doivent ainsi être en mesure de négocier et/ou d’accepter la conclusion de l’accord en connaissance de cause.

Les frais d’expertise sont pris en charge par le comité, sur son budget de fonctionnement, à hauteur de 20 %, et par l’employeur, à hauteur de 80 % (Code du travail, article L 2315-80).

Remarque. L’employeur prend en charge la totalité des frais lorsque le budget de fonctionnement du comité social et économique est insuffisant pour couvrir le coût et n’a pas donné lieu à un transfert d’excédent annuel au budget destiné aux activités sociales et culturelles au cours des trois années précédentes (Code du travail, article L 2315-80).

  • On notera enfin que dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le comité social et économique peut avoir une vision globale de la situation de l’entreprise grâce à la base des données économiques et sociales (BDES) que l’employeur doit établir et maintenir à jour (Code du travail, article L 2312-18 et suivants).

Attention ! La BDES n’est accessible qu’aux représentants élus du personnel.

Quel est le contenu de l’accord de performance collective ?

L’accord de performance collective porte sur la durée du travail, les rémunérations et/ou la mobilité, selon les objectifs poursuivis. Il peut aussi prévoir les conditions d’information et d’accompagnement des salariés, et les efforts fournis par les dirigeants et actionnaires de l’entreprise en contrepartie de ceux des salariés. Il doit enfin obligatoirement comporter un préambule, ainsi que les clauses obligatoires dans tout accord collectif.

Y a-t-il des clauses obligatoires ?

Oui. L’accord doit comporter un préambule définissant ses objectifs et présentant succinctement son contenu (Code du travail, articles L 2254-2 et L 2222-3-3).

S’agissant des objectifs, on pourra ainsi expliquer le contexte économique, les objectifs concrets recherchés, en les inscrivant dans le cadre imposé par la loi (voir le paragraphe : Quand peut-on conclure un accord de performance collective ?) et leur lien avec les mesures décidées par l’accord.

A noter. Comme tout accord collectif, l’accord de performance collective doit comporter les clauses suivantes :
– la définition de ses conditions de suivi et de clauses de rendez-vous (Code du travail, article L 222-5-1) ;
– les formes selon lesquelles et le délai au terme duquel il pourra être renouvelé ou révisé (Code du travail, article L 2222-5) ;
– les conditions de sa dénonciation, et notamment la durée du préavis précédent celle-ci (Code du travail article L 2222-6).
L’accord peut prévoir qu’il est conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. En l’absence de mention sur ce point, la loi prévoit qu’il est conclu pour une durée déterminée de cinq ans (Code du travail, article L 2222-4).
Enfin l’accord peut définir son périmètre d’application et il doit être signé.

Que peut prévoir l’accord s’agissant de la durée du travail ?

L’accord peut aménager la durée du travail et ses modalités d’organisation et de répartition (Code du travail, article L 2254-2).

Il peut ainsi par exemple prévoir une diminution de la durée du travail, avec ou sans diminution de la rémunération, ou son augmentation, accompagnée ou non d’une augmentation de la rémunération.

Période de référence supérieure à la semaine. Si l’accord met en place ou modifie un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les dispositions suivantes du Code du travail doivent être respectées : articles L 3121-41 (durée maximale de la période de référence, définition des heures supplémentaires), L 3121-42 (information des salariés dans un délai raisonnable d’un changement de la répartition de la durée du travail), L 3121-44 (clauses obligatoires de l’accord) et L 3121-47 (délai de prévenance de 7 jours pour informer le salarié d’une modification d’horaire, à défaut de stipulation dans l’accord).

Forfait annuel. Si l’accord met en place ou modifie un dispositif de forfait annuel, les dispositions du Code du travail relatives à ce dispositif doivent être respectées. Par exception, si l’accord modifie un dispositif existant, il n’est pas nécessaire d’appliquer les articles L 3121-64, I, 5° (définition des caractéristiques principales des conventions individuelles) et L 3121-55 (accord du salarié et conclusion d’une convention individuelle écrite).

Et en termes de rémunération ?

L’accord peut aménager la rémunération (Code du travail, article L 2254-2).

La rémunération qui peut ainsi être modifiée est le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier (Code du travail, articles L 2254-2 et L 3221-3).

Exemples.
En pratique, il est ainsi possible de :
– diminuer le salaire de base. Attention cependant : les salaires minima hiérarchiques et le Smic doivent être respectés (Code du travail, article L 2254-2) ;
– supprimer ou modifier les conditions d’octroi de certains éléments de rémunération, dès lors que la loi ne les rend pas obligatoires. Certaines primes peuvent ainsi être supprimées ou suspendues ;
– modifier les conditions de versement et/ou les modalités de calcul de certains éléments de rémunération, en particulier la rémunération variable versées à certaines catégories professionnelles, telles que les professions commerciales.

Qu’en est-il de la mobilité ?

Il est prévu que l’accord peut déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise (Code du travail, article L 2254-2).

La loi laisse ainsi une très grande liberté aux négociateurs.

L’accord peut-il aborder d’autres thèmes ?

L’accord peut comporter des mesures visant à informer et accompagner les salariés touchés par les changements prévus.

L’article L 2254-2 du Code du travail précise ainsi que l’accord peut prévoir :

  • les modalités d’information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée, ainsi que, le cas échéant, l’examen de la situation des salariés au terme de l’accord ;
  • les modalités selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés ;
  • les modalités d’accompagnement des salariés. Cet accompagnement peut concerner les salariés acceptant l’application de l’accord ou ceux qui seront licenciés à la suite de leur refus de cette application ;
  • l’abondement du compte personnel de formation au-delà du montant minimal en cas de licenciement.

Enfin que l’accord peut fixer les conditions dans lesquelles les dirigeants et actionnaires fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés pendant toute sa durée (Code du travail, article L 2254-2).

A noter. Les personnes concernées peuvent être les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l’accord, les mandataires sociaux et les actionnaires, dans le respect des compétences des organes d’administration et de surveillance (Code du travail, article L 2254-2).

Comment l’accord s’applique-t-il aux salariés ?

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Si le salarié l’accepte, l’accord de performance collective se substitue directement aux clauses de son contrat de travail, même si ces clauses lui sont plus favorables.

Le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord. Mais il en paie le prix fort, puisque l’employeur peut le licencier pour cette seule raison.

Comment les salariés sont-ils informés ?

L’employeur doit informer les salariés, par tout moyen conférant date certaine et précise, de l’existence et du contenu de l’accord de performance collective, ainsi que du droit de chacun d’eux d’accepter ou de refuser l’application à son contrat de travail de cet accord (Code du travail, article L 2254-2).

Que se passe-t-il si le salarié accepte l’accord ?

Si le salarié accepte l’application de l’accord, les stipulations de celui-ci se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise (Code du travail, article L 2254-2).

A noter. Ceci constitue une dérogation aux règles ordinaires du droit du travail. En effet, normalement, si l’accord collectif est moins favorable au salarié que son contrat de travail, on doit appliquer le contrat et non l’accord.
Ainsi, selon la jurisprudence, après l’entrée en vigueur d’une convention collective, un salarié peut réclamer la poursuite de l’application des dispositions plus favorables de son contrat (Cour de Cassation, chambre sociale, n° 01-40.588, 25 février 2003, et Cour de cassation, chambre sociale, n° 15-21794, 14 septembre 2016). Il a même été jugé qu’un salarié ayant donné son accord pour l’application d’un accord collectif peut néanmoins revenir sur sa décision et demander l’application des clauses plus favorables de son contrat (Cour de cassation, chambre sociale, n° 15-17871, 28 septembre 2016).

Lorsque l’accord modifie un dispositif de forfait annuel, l’acceptation de l’application de l’accord par le salarié entraîne de plein droit l’application des stipulations de l’accord relatives au dispositif de forfait annuel (Code du travail, article L 2254-2).

Quelle est la marche à suivre pour le salarié refusant la modification de son contrat ?

Le salarié doit faire connaître son refus à l’employeur par écrit.

Il dispose pour cela d’un délai d’un mois à compter de la date à laquelle ce dernier l’a informé dans les conditions rappelées ci-dessus (Code du travail, article L 2254-2).

Que peut faire l’employeur face à un refus du salarié ?

L’employeur peut décider de licencier le salarié. Ce licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse (Code du travail, article L 2254-2).

Ainsi, contrairement aux règles de droit commun, l’employeur n’a pas à justifier le licenciement par une cause réelle et sérieuse constituant le motif personnel ou économique de licenciement. Il suffit de mentionner le refus du salarié pour justifier le licenciement.

Par ailleurs, comme le motif du licenciement est, selon les termes de la loi, spécifique, et non économique, l’employeur est exonéré des dispositions relatives au licenciement de plusieurs salariés pour raison économique sur une période de 30 jours. Pour mémoire, selon les cas, ces dispositions soumettent l’employeur à diverses procédures : consultation des représentants du personnel, procédure administrative, conclusion d’un accord collectif, établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi, etc.

Le licenciement est une faculté pour l’employeur, et non une obligation.

Attention.
Lorsque plusieurs salariés refusent l’accord, l’employeur peut-il décider d’en licencier certains, et d’en conserver d’autres ? La réponse à cette question est délicate. En effet, le licenciement étant une possibilité ouverte à l’employeur, a priori il peut décider de licencier seulement certains salariés. Il doit cependant, s’il envisage cette option, prendre garde à ne pas prendre une décision qui pourrait se révéler discriminatoire à l’égard des salariés licenciés.
Une solution peut être de prévoir dans l’accord de performance collective les conséquences d’un refus d’application de l’accord de la part d’un ou plusieurs salariés : licenciement systématique, comme la loi l’autorise, ou au contraire absence de tout licenciement, ou, enfin, licenciement d’un certain nombre de salariés, avec une fixation du nombre maximum de licenciements possible et des conditions de ceux-ci. On peut par exemple considérer que chaque service de l’entreprise ne doit pas perdre plus d’un ou deux salariés.

Quelle procédure l’employeur doit-il suivre pour licencier le salarié ?

L’employeur dispose d’un délai de 2 mois à compter de la notification du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement (Code du travail, article L 2254-2) .

A noter. Il doit respecter les règles suivantes également applicables au licenciement pour motif personnel : respect de la procédure de licenciement (articles L 1232-2 à L 1232-14 du Code du travail), exécution d’un préavis ou versement d’une indemnité compensatrice de préavis, et versement d’une indemnité de licenciement (articles L 1234-1 à L 1234-11 et L 1234-14), remise d’un certificat de travail et d’un reçu pour solde de tout compte (articles L 1234-19 et L 1234-20).

Quels sont les droits du salarié après son licenciement ?

L’employeur doit abonder le compte personnel de formation du salarié du montant prévu par l’accord de performance collective, ou d’un d’un montant minimal de 3 000 €. Cet abondement n’entre pas en compte dans le calcul des droits crédités chaque année sur le compte et du plafond de ce compte (Code du travail, article L 2254-2 et R 6323-3-2).

En pratique, l’employeur doit verser la somme correspondante à la Caisse des dépôts et consignations. Il doit, dans les 15 jours suivant la notification du licenciement, lui adresser les informations nécessaires à l’abondement, notamment son montant, le nom du salarié bénéficiaire ainsi que les données permettant son identification (Code du travail, article L 2254-2 et R 6323-3-2).

Le salarié licencié peut s’inscrire à Pôle emploi, être accompagné comme demandeur d’emploi et percevoir des allocations chômage (Code du travail, article L 2254-2).

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Claire Maugin

Journaliste juridique spécialisée en droit social