Rupture du contrat de travail.
Pas d’égalité de traitement en matière de transaction.
Cass. soc. 12-5-2021 n° 20-10.796
Un salarié ne peut pas invoquer le principe d’égalité de traitement pour revendiquer les droits et avantages d’une transaction conclue par l’employeur avec d’autres salariés.
Une société avait conclu avec les organisations syndicales représentatives un plan de sauvegarde de l’emploi puis des transactions avec plusieurs salariés qui revendiquaient le paiement de l’indemnité prévue dans le PSE. Par la suite, plusieurs autres salariées sollicitent de l’employeur le paiement de cette même indemnité ou d’un montant équivalent sous forme de dommages et intérêts en invoquant le principe d’égalité de traitement entre les salariés et en visant les salariés qui avaient bénéficié d’une indemnité transactionnelle.
Les juges de la Cour d’Appel ont condamné la société à payer aux salariées une somme au titre du préjudice dû à la violation du principe d’égalité de traitement entre les salariés ainsi qu’une somme au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en rappelant d’une part, la nature de la transaction qui est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.
D’autre part, elle précise que la liberté contractuelle est l’autorité de la chose jugée entre les parties, attachées à la transaction en tant que contrat, s’opposent à ce que les stipulations qui y sont prévues, et par lesquelles les parties s’accordent pour éteindre ou prévenir leur différend, entrent dans le champ d’application du principe d’égalité de traitement entre les salariés.
En effet, chaque transaction fait l’objet d’une négociation au cas par cas en fonction des prétentions et de la situation des parties, et il ne peut donc pas y avoir d’application uniforme d’un principe d’égalité en la matière.
Rupture conventionnelle : montant minimal de l’indemnité conventionnelle de licenciement.
Cass. soc. 5-5-2021 n° 19-24650.
À la suite de la conclusion d’une rupture conventionnelle, une salariée conteste le montant de son indemnité spécifique de rupture. L’employeur lui avait versé une indemnité calculée par référence au montant de l’indemnité légale de licenciement. La salariée réclamait un complément au motif que l’accord collectif applicable aux salariés du groupe prévoyait une indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable que l’indemnité légale de licenciement.
La Cour de cassation donne raison à la salariée et rappelle que, lorsqu’un accord ou une convention collective prévoit une indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable que l’indemnité légale de licenciement, l’employeur doit verser au salarié avec qui il a conclu une rupture conventionnelle individuelle une indemnité au moins égale à cette indemnité conventionnelle de licenciement. Peu importe que, comme en l’espèce, l’accord renvoie à l’indemnité légale pour certains motifs de licenciement.
HARCÈLEMENT MORAL.
Licenciement et harcèlement moral.
Cass.soc. 9 juin 2021 n°20-15.525.
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Je télécharge les 8 fichesLe licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral est nul. Cette protection s’étend au salarié qui relate des faits de harcèlement moral, sauf mauvaise foi.
Une salariée est licenciée après avoir dénoncé par lettre un comportement fautif de son employeur.
La Cour d’Appel rejette sa demande en nullité du licenciement, au motif qu’elle n’évoquait pas un harcèlement moral mais « des agissements consistant en des humiliations, dénigrements, comportements et propos vexatoires, ayant pour effet, si ce n’est pour objet, une grave dégradation de son état de santé physique et mental ».
Selon la jurisprudence classique de la cour de cassation, le pourvoi de la salariée aurait dû être rejeté. Cependant la Cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel et accueille la demande de nullité du licenciement car, si la salariée n’invoquait pas un harcèlement dans sa lettre, l’employeur évoquait comme grief, dans la lettre de licenciement, le fait pour la salariée d’avoir proféré « des accusations de harcèlement tout à fait inexactes ».
La jurisprudence de cet arrêt invite donc l’employeur à faire preuve de vigilance quant aux termes à utiliser, ou à ne pas utiliser, en matière de harcèlement moral.
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INAPTITUDE.
Délai de contestation d’un avis d’inaptitude.
Cass. soc. 2 juin 2021, n° 19-24061 (1er moyen).
À l’issue d’un examen médical, le médecin du travail peut constater l’inaptitude d’un salarié à occuper son poste de travail.
Un employeur prétendait que le délai de 15 jours qui lui permettait de saisir le conseil des prud’hommes courait à compter du jour où les éléments de nature médicale justifiant la position du médecin du travail lui avaient été notifiés.
La Cour de cassation, rappelant que l’employeur ne reçoit pas à proprement parler les éléments de nature médicale, compte tenu du secret médical, indique que le délai de 15 jours dont dispose l’employeur pour contester un avis d’inaptitude devant le conseil de prud’hommes, selon la procédure accélérée au fond, court à compter de la notification de ce même avis.
Salaire à verser en cas d’inaptitude.
Cass. soc. 5 mai 2021, n° 19-22456 D.
La prime de 13e mois pour les années où le salarié n’était pas présent dans l’entreprise doit être intégrée dans le calcul du salaire à verser en cas d’inaptitude.
Dans cette affaire, un salarié, en arrêt maladie, avait été déclaré définitivement inapte à la reprise de son poste de travail et à tout poste au sein d’une association. Par la suite, il est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, mais près de 3 ans après la constatation de son inaptitude. Le salarié réclame le versement d’une prime de 13e mois, ainsi qu’un complément d’indemnité de licenciement intégrant ce 13e mois, au titre des trois années précédant son licenciement.
Pour rappel, le salarié déclaré inapte qui n’est ni reclassé ni licencié au bout d’un mois a droit, à compter de l’expiration de ce délai, au paiement du salaire correspondant à l’emploi qu’il occupait avant la suspension de son contrat de travail.
La question qui se posait était de savoir si l’employeur devait intégrer dans son calcul une prime de 13e mois pour les années où le salarié n’était pas présent dans l’entreprise.
La cour d’appel, estimant que, dans l’entreprise, cette prime était attribuée au prorata du temps de présence, a estimé que le salarié n’y avait droit qu’au prorata temporis pour la première année, et avait refusé d’octroyer la prime pour les deux années suivantes, durant lesquelles le salarié n’avait pas du tout été présent.
Mais la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et rappelle que le salaire correspondant à l’emploi que le salarié occupait avant la suspension de son contrat de travail dont l’employeur doit reprendre le versement, comprend l’ensemble des éléments constituant la rémunération, notamment le 13e mois, qu’il aurait perçu s’il avait travaillé.
ACTION EN REQUALIFICATION D’UN CDD EN CDI.
Calcul de l’indemnité compensatrice de préavis en cas de requalification en CDI de CDD non successifs.
Cass.Soc. 2 juin 2021, n°19-16.183.
Pour calculer l’indemnité compensatrice de préavis lorsque plusieurs CDD sont requalifiés en CDI, il ne faut pas se baser sur les seules périodes contractuelles antérieures à la rupture : il convient de prendre aussi en compte la rémunération que le salarié aurait dû percevoir s’il avait pu exécuter le préavis.
Un rédacteur salarié effectue plusieurs contrats à durée déterminée sur une dizaine d’années, avec quelques interruptions.
Il présente une demande de requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée ; il réclame aussi des indemnités de rupture par voie de conséquence, au titre de la fin des relations contractuelles.
Le salarié soutient, qu’en cas de requalification de CDD en CDI, le salaire mensuel de référence est celui d’un salarié permanent à temps plein lorsque le salarié est demeuré à la disposition de l’employeur tant durant les périodes contractuelles que pendant les périodes interstitielles (c’est-à-dire entre deux CDD non consécutifs).
La Cour d’appel en décide autrement en calculant d’une part, son indemnité compensatrice de préavis sur la base du salaire mensuel moyen dans le cadre de son dernier CDD à temps partiel, et non en fonction du salaire d’un rédacteur permanent à temps plein et d’autre part, en n’examinant pas sa disponibilité sur l’ensemble de la période contractuelle, y compris durant ces périodes interstitielles.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel en se fondant sur les arrêts L1234-1 et L.1234-5 du Code du travail qui stipulent que « l’indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires qu’il aurait perçus s’il avait travaillé pendant la durée du préavis » et en déduisant qu’en statuant comme elle l’avait fait, la Cour d’appel avait violé les articles susvisés.
Concernant la requalification des CDD en CDI, elle rappelle qu’il incombe au salarié qui sollicite un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles de rapporter la preuve qu’il est resté à la disposition de l’employeur durant les périodes séparant deux CDD. C’est donc à tort que les juges d’Appel n’avaient pas retenu, dans la base de calcul du montant du rappel de salaire, la période interstitielle précédant chacun des CDD.
Prescription de l’action en requalification d’un CDD en CDI.
Cass.Soc. 5 mai 2021, n°19-14.295.
L’action en requalification du CDD en CDI se prescrit par deux ans. Lorsqu’elle est fondée sur le non-respect du délai de carence entre deux contrats successifs, ce délai de prescription court à compter du premier jour d’exécution du second de ces contrats, à savoir celui conclu sans respect du délai de carence.
RÈGLEMENT INTÉRIEUR.
Opposabilité d’un code de déontologie et règlement intérieur.
Cass.soc., 5 mai 2021, n°19-25.699
Un code de déontologie, annexé valablement au règlement intérieur, peut servir de fondement à une sanction disciplinaire dès son dépôt au greffe du Conseil de prud’hommes.
Un salarié est licencié pour violation des règles éthiques prévues par un code de déontologie interne à l’entreprise. Ce salarié considérait que son licenciement était fondé sur un code de déontologie qui n’avait pas été intégré au règlement intérieur lui-même applicable ultérieurement au moment des faits, que ces règles ne lui étaient pas opposables et que, par conséquent, son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
S’appuyant sur l’article L1321-5 du Code du travail, qui stipule que « les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes(…) sont, lorsqu’il existe un règlement intérieur, considérés comme des adjonctions à celui-ci », la Cour d’Appel de Paris a considéré que le code de déontologie était applicable et le licenciement fondé, car dès lors que le code avait fait lui-même l’objet de la procédure applicable au règlement intérieur, il était immédiatement applicable en tant qu’adjonction au règlement intérieur, même si une nouvelle version de celui-ci est déposée ultérieurement.
La Cour de cassation a confirmé la décision de la Cour d’appel en considérant qu’une fois qu’un document est soumis à la procédure légale, il entre immédiatement en vigueur et doit être respecté par les salariés de l’entreprise.
Cet arrêt donne donc une portée importante aux adjonctions du règlement intérieur, qui, dès lors que les procédures d’avis, de transmission et de dépôt ont été accomplies, sont de véritables actes créateurs de droits et de devoirs, opposables aux salariés.