Négocier un Accord collectif SANS Délégué Syndical

Négocier un Accord collectif SANS Délégué Syndical
Alexandra Congré

Toutes les réformes actuelles en Droit du travail visent notamment à améliorer le Dialogue Social en le rendant plus clair et plus constructif ainsi qu’à le développer afin de permettre à un plus grand nombre d’entreprises de négocier.

Ainsi, la possibilité de négocier n’est pas ouverte qu’aux grandes entreprises ou qu’à celles ayant un Délégué Syndical, les petites entreprises et celles dépourvues de Délégué Syndical peuvent aussi négocier ! Entre nous, ce droit existait déjà mais disons que ces derniers temps il est mis en valeur par les réformes actuelles.

Si votre entreprise est pourvue de Délégués syndicaux, reportez-vous à l’article « Négocier avec des Délégués Syndicaux ».

Dans le présent article, nous allons nous intéresser à ces accords qui sont conclus sans Délégué Syndical en débutant par la définition d’un accord collectif puis en vous expliquant, en dehors des Délégués Syndicaux, avec quels interlocuteurs il est possible de négocier et comment.

Qu’est-ce qu’un accord collectif ? Définition !

L’Accord collectif est un texte, traitant d’un ou de plusieurs thèmes particuliers, conclu entre des organisations syndicales représentatives de salariés et des représentants employeur (Accord sur le télétravail ou encore un Accord sur le droit à la déconnexion par exemple).

Dans l’article d’aujourd’hui, nous parlerons plus précisément de l’accord d’entreprise et sa négociation dans les entreprises dépourvues de Délégué Syndical.

Comment conclure un accord collectif sans délégué syndical ?

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Quelle est la problématique lorsque l’entreprise n’a pas de délégué syndical ?

En France, le pouvoir de négocier est donné en priorité aux organisations syndicales représentatives, on parle alors de monopole syndical.

Oui mais…le droit syndical est en recul en France, tant les entreprises que les organisations syndicales peinent à trouver des candidats aux élections professionnelles ou des adhérents alors résultat : absence de Délégué Syndical.  Alors, comment fait-on ? En principe, dans les entreprises de moins de 50 salariés, il n’y a pas de Délégué Syndical mais si ces entreprises veulent mettre en place des règles en concertation avec leurs salariés comment font-elles ?

Face à ces problématiques et dans une volonté de laisser au terrain, autrement dit, aux entreprises de régir leurs propres règles ceci permettant de développer le Dialogue Social mais aussi d’être plus flexible, il était nécessaire d’éroder quelque peu le principe du monopole syndical en permettant aux entreprises, en l’absence de Délégué Syndical en leur sein, de négocier.

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En l’absence de Délégué Syndical, avec qui négocier?

Ici, nous allons évoquer, qui en dehors des Délégués syndicaux est habilité à négocier. Pour cela, nous allons aborder la négociation sans délégué syndical selon la taille de l’entreprise :

Pour les entreprises de plus de 50 salariés

Quels interlocuteurs en l’absence de Délégué Syndical?

Principe : monopole syndical donc si vous avez des Délégués Syndicaux ou un Conseil d’Entreprise (CSE ayant également le pouvoir de négocier) la priorité de négocier leur est donnée et vous ne pouvez pas outrepasser cela, dans le cas contraire vous pourriez être l’auteur d’un délit d’entrave répréhensible pénalement. Dans ce cas, nous vous invitons à vous reporter à l’article « Négocier un Accord d’Entreprise avec un Délégué Syndical ».

En revanche, si vous n’avez pas de Délégué Syndical, rassurez-vous, vous pourrez tout de même négocier ! Vous pourrez le faire avec un élu titulaire mandaté, à défaut un élu titulaire non mandaté, à défaut un salarié mandaté.

Vous l’aurez noté, il y a une hiérarchie à respecter en effet dans le souci de maintenir le privilège des syndicats à négocier, la Loi permet de déroger au principe mais à condition de respecter cette hiérarchie où l’on recherchera en priorité un salarié élu et mandaté par une organisation syndicale.

1- L’élu titulaire mandaté

En l’absence de Délégué Syndical, la primauté est donnée à un élu titulaire du CSE (ou bien du CE, DUP, DP, CHSCT si le CSE n’est pas encore mis en place dans votre entreprise).

Ce dernier devra être mandaté par une organisation syndicale représentative au niveau de la branche dont relève l’entreprise ou à défaut par une organisation syndicale au niveau national ou interprofessionnel.

2 – L’élu titulaire non mandaté

En l’absence de Délégué Syndical et d’élu titulaire mandaté, il sera possible de négocier avec un élu titulaire non mandaté. Ici, toujours par souci de respecter la dimension de la représentation salariale, on donnera la primauté à un salarié qui aura été élu par les salariés à l’occasion des dernières élections.

Il s’agira d’un élu titulaire du CSE (CE, DUP, DP, CHSCT si le CSE n’est pas encore mis en place dans votre entreprise).

3 – Un salarié mandaté

En l’absence de Délégué Syndical, d’élu titulaire mandaté, d’élu titulaire non mandaté, la Loi permet à un salarié non élu de négocier mais exigera tout de même que ce dernier soit mandaté par une organisation syndicale représentative au niveau de la branche, à défaut au niveau national ou interprofessionnel.

La négociation avec un salarié mandaté sera de droit dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et pouvant prouver via un procès-verbal de carence, une carence d’instance représentative du personnel. Ce sera ainsi le cas si l’entreprise n’a eu aucun candidat tant au 1er qu’au 2ème tour des dernières élections professionnelles.

Le salarié mandaté ne pourra pas être un représentant de l’employeur ou bien un salarié ayant un lien de parenté avec l’employeur.

Le salarié mandaté bénéficiera de la protection dont bénéficient les salariés protégés.

Quelle Procédure ?

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, dépourvues de Délégués Syndical, l’employeur devra faire connaitre son souhait de négocier un Accord d’entreprise auprès des membres du CSE par tous moyens.

Ensuite, tout membre titulaire désireux de négocier devra le faire savoir dans un délai d’1 mois en indiquant s’il est mandaté ou non. A l’issue de ce délai, la négociation s’engage avec l’élu titulaire mandaté, à défaut l’élu titulaire non mandaté, à défaut un salarié mandaté.

Quels thèmes peuvent être négociés ?

Avec les élus titulaires mandatés ou les salariés mandatés, tous les thèmes ouverts à la négociation d’entreprise sont possibles. En revanche, si la négociation se déroule avec des élus non mandatés, seuls des Accords collectifs de travail dont la mise en œuvre de la mesure est subordonnée à un Accord collectif est possible, ce sera le cas d’un accord d’entreprise portant sur la durée du travail par exemple (accord fixant le contingent d’heures supplémentaires).

Règles de validité de l’accord ?
Avec un élu titulaire mandaté

L’accord devra être approuvé par la majorité des suffrages valablement exprimés par les salariés suite à l’organisation d’un référendum portant sur le projet d’accord.

Avec un élu titulaire non mandaté

Les conditions de validité seront liées au score électoral obtenu par les élus. Ainsi, pour être valable, l’accord devra être signé par un ou plusieurs élus titulaires non mandatés ayant recueilli la majorité des suffrages valablement exprimés au 1er tour des dernières élections.

Avec un salarié mandaté

Pour être valable, l’accord doit être soumis à référendum et avoir obtenu la majorité des suffrages valablement exprimés par les salariés.

Pour les entreprises de 11 à 49 salariés

Dans les entreprises de 11 à 49 salariés, dépourvues de Délégué Syndical, les personnes habilitées à négocier seront les mêmes que dans les entreprises de plus de 50 salariés sans l’obligation de respecter une hiérarchie. Ainsi, l’employeur peut indépendamment négocier avec un salarié mandaté, un élu titulaire non mandaté ou un élu titulaire mandaté sans respecter d’ordre de priorité.

Concernant une éventuelle procédure à respecter, l’employeur est ici libre de faire comme il l’entend. La seule restriction étant qu’il ne peut pas négocier avec l’ensemble du CSE.

Concernant la validation de l’accord :

  • S’il est conclu avec un élu titulaire mandaté ou non, l’accord sera valable s’il est signé par un ou plusieurs membres titulaires ayant recueilli la majorité des suffrages valablement exprimés au 1er tour des dernières élections professionnelles.
  • S’il est conclu avec un salarié mandaté, l’accord sera valable s’il a recueilli plus de 50% des suffrages valablement exprimés par les salariés au moment du référendum.

Pour les entreprises de 11 à 20 salariés, dépourvues de Délégué Syndical et d’instance représentative du personnel, la Loi a prévu que les règles applicables aux entreprises de moins de 11 salariés pouvaient jouer.

Pour les entreprises de moins de 11 salariés

Dans les entreprises de moins de 11 salariés, dépourvues de Délégué Syndical, l’employeur soumettra directement le projet d’accord au vote des salariés.

Ainsi, il devra organiser un référendum et l’accord pour être valable devra avoir recueilli la majorité des 2/3 des votes valablement exprimés.

Le référendum est organisé dans un délai minimum de 15 jours suivant la communication du projet d’accord à l’ensemble des salariés.

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Comment négocier sans délégué syndical ?

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Les parties à la négociation traitent ensemble du ou des sujets à négocier qu’elles auront préalablement déterminées et fixent un calendrier des réunions de négociation. En outre, l’employeur fournira les documents nécessaires à une parfaite information des Délégués Syndicaux en vue de la négociation. Tout ceci se faisant généralement à l’occasion de la 1ère réunion de négociation.

En toute état de cause, les élus et salariés mandatés devront suivre scrupuleusement leur mandat.

Les élus titulaires mandatés ou non et les salariés mandatés pourront bénéficier d’heures qui ne dépasseront pas la limite de 10 heures par mois. Ce temps sera considéré comme du temps de travail effectif, il ne s’agit pas d’heures de délégation.

Contenu de l’Accord : Quelles clauses obligatoires ?

Le contenu de l’Accord d’entreprise est libre, toutefois l’Accord doit obligatoirement contenir les clauses suivantes :

  • La détermination du champ territorial et professionnel ;
  • Les modalités de prises en compte des demandes des organisations syndicales représentatives ;
  • Un préambule ;
  • Une clause prévoyant les délais de renouvellement ou de révision de l’Accord ;
  • Les conditions de suivi de l’Accord et les clauses de rendez-vous ;
  • Clause prévoyant les modalités de la dénonciation et notamment le délai de préavis à respecter.

Parfois, selon le thème abordé (égalité professionnelle femmes/hommes par exemple), le Code du travail prévoira des clauses obligatoires qu’il conviendra également d’insérer. Ainsi, pensez bien à vérifier, selon le thème choisi, toutes les clauses devant être obligatoirement insérées dans votre Accord.

Les futurs lecteurs de l’Accord étant les salariés de l’entreprise, il est important de veiller à rédiger l’Accord en des termes compréhensif et dans un langage adapté au public concerné.

Il est important de noter que dans les entreprises de moins de 50 salariés un accord-type peut être établi par la Branche. Pour que cet accord type soit utilisable et opposable dans les entreprises de moins de 50 salariés, il faut que l’accord de branche qui le prévoit soit étendu par arrêté ministériel. Ainsi, l’employeur, pourra, en sélectionnant les options qu’il souhaite, établir un document unilatéral qui s’appliquera et sera opposable aux salariés de son entreprise.

Comment déposer un Accord collectif ?

Depuis mars 2018, l’Accord et ses pièces jointes doivent être déposé sur  la plateforme « TéléAccords » accessible depuis le site du gouvernement. Le dossier est ensuite transféré automatiquement à la Direccte (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation , du Travail et de l’Emploi) compétente qui après instruction du dossier délivre un récépissé. L’Accord est ensuite transmis à la Direction de l’Information Légale Administrative (DILA) pour une publication dans la base de données nationale.

L’accord devra également être déposé auprès du secrétariat-greffe conseil des prud’hommes du lieu de sa conclusion.

Révision et dénonciation d’un accord collectif sans délégué syndical

Comment réviser un accord collectif sans délégué syndical ?

La révision est à différencier de la dénonciation, en effet cette dernière est une modification de l’accord par voie d’avenant. Les avenants respecteront les mêmes modalités de validité, dépôt et publicité que l’Accord initial.

Comment dénoncer un accord collectif sans délégué syndical ?

La dénonciation a pour effet de faire disparaître l’Accord.

Il est à noter qu’un Accord à durée déterminée ne peut pas être dénoncé.

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Ensuite, les règles de dénonciation dépondront de ce qui a été convenu dans la clause de dénonciation, obligatoire dans un Accord d’entreprise. Cette clause prévoit notamment la durée de préavis.

En l’absence de précision dans l’Accord, il est bon de savoir que la dénonciation est notifiée par son auteur à l’ensemble des autres signataires de l’Accord et doit faire l’objet d’un dépôt répondant aux mêmes règles que celle de l’Accord (dépôt à la DIRECCTE notamment). A compter de la date de notification de la dénonciation, court un délai de 3 mois de préavis sauf dispositions contraires.

La dénonciation prend effet à la fin de ce préavis. Durant les 3 mois de préavis, les parties doivent se réunir pour négocier un Accord de substitution.

Il est à noter que l’Accord dénoncé survie jusqu’à la conclusion de l’Accord de substitution ou à défaut pendant un délai d’un an à compter de l’expiration du préavis, sauf dispositions contraires.

Il est à noter que pour les entreprises de moins de 20 salariés, en l’absence de précision dans l’Accord, la dénonciation à l’initiative des salariés est possible. Pour cela, la dénonciation devra être notifiée collectivement à l’employeur par au moins 2/3 des salariés et ceux-ci dans un délai d’un mois avant la date d’anniversaire de la conclusion de l’accord.

Attention, en pratique dénoncer un Accord est un acte fort en termes de dialogue social car il remet en cause un Accord conclu entre les parties patronales et syndicales et pour conséquences forte de faire disparaître l’Accord. Ainsi, avant d’user d’un tel procédé, vaut mieux réfléchir afin de ne pas ternir les relations avec vos délégués syndicaux.

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Alexandra Congré

Après un Master II Professionnel de Juriste en Droit Social obtenu à l’Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne, j’ai exercé le métier de juriste en droit social pendant 13 ans. Au cours de cette expérience, j’ai conseillé et accompagné les opérationnels (PDG, DRH, RRH, Directeurs des Relations Sociales, Directeurs, Managers) tant dans les relations individuelles que collectives du travail dans différents secteurs d’activité (santé au travail, restauration, grande distribution et presse).