Actualités jurisprudentielles Septembre 2021.

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Si les licenciements sont en règle générale régis par le Code du travail, l'interprétation de ce dernier est souvent contradictoire. Découvrez les derniers arrêts de la Cour d'appel, mais aussi de la Cour de cassation concernant les requalifications de licenciement.

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Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

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Sommaire de l'article

Faute inexcusable de l’employeur.

La faute inexcusable est de droit si le salarié victime d’une agression avait signalé des menaces. 

Cass. 2e civ. 8-7-2021 n° 19-25.550.

Un salarié est victime d’une agression sur son lieu de travail. Quelques jours avant son agression, la secrétaire de l’entreprise avait trouvé, dans la boîte aux lettres, un courrier anonyme, destiné au salarié, mentionnant « dégage ou on te crève », que ce dernier avait transmis par email le jour même à son employeur.

Le salarié est licencié pour inaptitude. Il saisit le pôle social du tribunal judiciaire afin de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

Sa demande est rejetée par le tribunal des affaires de sécurité sociale et la Cour d’appel au motif d’une part, qu’il incombe au salarié de rapporter la preuve de la faute inexcusable de l’employeur en établissant le lien entre son agression et une faute commise par l’employeur dans le cadre de son obligation de sécurité, et d’autre part, que la transmission à l’employeur de la lettre de menace ne caractérisait pas une alerte donnée à l’employeur sur le risque qu’il courait d’être agressé physiquement.

La Chambre sociale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 8 juillet 2021, casse la décision de la Cour d’Appel et pose clairement que le signalement d’un risque à l’employeur, par le salarié ou un représentant du personnel, quelle qu’en soit la forme, permet à la victime de bénéficier du régime de la faute inexcusable de droit, ce qui signifie que son bénéfice est automatique et que le salarié ou ses ayants droit n’ont pas à établir la preuve de la faute inexcusable.

Cette jurisprudence invite l’employeur à la plus grande vigilance lorsque des signalements ou des alertes sont émis par des salariés, notamment en matière de risques psychosociaux. 

Inopposabilité des enregistrements d’une vidéosurveillance constante d’un seul salarié.

Les enregistrements issus d’un dispositif de surveillance constant, attentatoire à la vie personnelle du salarié et disproportionné au but allégué par l’employeur de sécurité des personnes et des biens, ne sont pas opposables au salarié. 

Cass. Soc. 23-06-2021 n° 19-13856.

Un salarié, cuisinier dans une pizzeria, est licencié pour faute grave.

L’employeur, pour justifier le licenciement, reproche au salarié des faits qu’il prouve au moyen d’images obtenues par un dispositif constant de vidéosurveillance.

Le salarié saisit alors la juridiction prud’homale afin que son licenciement soit prononcé sans cause réelle et sérieuse.

La Cour d’Appel donne raison au salarié, et condamne l’employeur à lui payer des sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d’indemnité de licenciement, de rappels de salaire et congés payés afférents et dommages-intérêts pour licenciement abusif.

L’employeur se pourvoit en cassation.

La Chambre sociale de la Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’Appel en affirmant que les enregistrements issus d’un dispositif de surveillance constant, attentatoire à la vie personnelle du salarié et disproportionné au but allégué par l’employeur de sécurité des personnes et des biens, ne sont pas opposables au salarié. 

Cette jurisprudence de la Cour de cassation s’aligne sur la position de la CNIL qui a toujours défendu le fait que la vidéosurveillance ne doit jamais soumettre les salariés à une surveillance continue et permanente.

Lanceurs d’alerte : nullité du licenciement suite à la dénonciation par le salarié de faits illicites.

Un salarié est libre de dénoncer des faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et le licenciement prononcé suite à l’exercice de ce droit, est nul.

Cass.Soc. 7-7-2021 n°19-25.754.

Un salarié, directeur du service des tutelles au sein d’une association pour la sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence et des adultes, en vertu de son droit d’alerte protégé par la liberté d’expression, fait part à sa direction de faits dont il a eu connaissance et qu’il jugeait illicites.

Le salarié est mis à pied à titre conservatoire et il est convoqué à un entretien préalable à un licenciement.

Quelques jours plus tard, dans une lettre adressée à l’organe de tutelle de l’employeur, il dénonce de nombreux faits pénalement répréhensibles qu’aurait commis l’association.

Le salarié est finalement licencié non pas pour un motif disciplinaire, mais pour insuffisance professionnelle. 

Il saisit donc la juridiction prud’homale pour faire contester son licenciement et en demander la nullité, estimant qu’il est motivé non pas pour sa prétendue insuffisance professionnelle, mais par l’exercice de son droit d’alerte.

La Cour d’Appel rejette la demande en nullité du salarié, au motif que la lettre de dénonciation adressée par le salarié à l’organe de tutelle de l’employeur, est postérieure à sa convocation à l’entretien préalable au licenciement, et que la concomitance de ces deux évènements n’est pas suffisante pour établir la volonté de l’employeur de sanctionner l’exercice par le salarié de sa liberté d’expression.

Elle juge cependant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’insuffisance professionnelle du salarié n’ayant pas été démontrée.

Le salarié se pourvoit en cassation sur le fondement de l’article 10 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui affirme le droit de toute personne à la liberté d’expression. 

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La Chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel. Elle déclare le licenciement nul en rappelant, qu’en l’espèce, il y avait non seulement concomitance de la lettre de dénonciation avec l’entretien préalable au licenciement, mais également d’autres faits avancés par le salarié au préalable, et enfin le fait que la précédente concomitance révélait que le licenciement était en réalité motivé par cette dénonciation. 

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Serment juratoire et convictions religieuses du salarié.

Cass.Soc. 7-7-2021 n°20-16.206.

Une salariée de la RATP doit être affectée dans un service d’agents de contrôle. Auparavant, en application de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, elle doit prêter le serment des agents qui débute par les termes « je le jure ».

À l’audience de prestation de serment, elle refuse de prêter le serment prévu par la loi au motif que sa religion chrétienne lui interdisait de jurer, mais avait proposé une autre formule, que le président du tribunal de grande instance avait refusée.

La salariée est licenciée pour faute grave du fait de son refus de prêter le serment prévu par la loi, qui l’empêchait d’obtenir son assermentation et donc son admission définitive dans le cadre permanent de la RATP.

Elle saisit alors la juridiction des prud’hommes afin de faire reconnaître son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sa demande, en Appel, est rejetée, au motif que la faute de la salariée, ayant refusé de se soumettre à la procédure d’assermentation, justifiait le licenciement pour cause réelle et sérieuse.

La salariée se pourvoit alors en cassation. La Chambre sociale casse l’arrêt d’appel et juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais non nul. 

Elle se fonde d’une part, sur l’article 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, selon lequel le serment des agents de surveillance peut être reçu selon les formes en usage dans leur religion ; elle se fonde, d’autre part, sur l’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, selon lequel il est possible pour le salarié qui prête serment de substituer à la formule « je le jure » une formule équivalente d’engagement solennel ; enfin elle affirme, qu’en vertu de sa liberté de conscience et de religion, la salariée n’avait commis aucune faute et que par conséquent le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse.

La Cour ajoute qu’il n’est cependant pas affecté de nullité, car il n’est pas discriminatoire, à savoir prononcé en raison des croyances religieuses de la salariée, mais pour la sanctionner pour le refus de prêter serment, empêchant ainsi sa prise de fonction, peu importent ses convictions religieuses.

À savoir : un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais non nul, entraîne des conséquences sur le régime de l’indemnisation. 

Harcèlement moral.

le délai de prescription d’une action visant les faits caractérisant le harcèlement moral d’un salarié court à compter du dernier fait de harcèlement subi.

C.cass., 9 juin 2021, n°19-21.931.

Une salariée est victime de harcèlement moral et alerte l’Inspection du travail sur les agissements qu’elle subissait. Le médecin du travail l’a ainsi déclarée inapte définitivement à son poste de travail. La salariée est licenciée.

La salariée saisit donc le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir réparation au titre de ces faits de harcèlement moral. Elle affirme, alors, que l’action n’était pas encore prescrite dès lors qu’elle avait continué à subir du harcèlement moral, et ce jusqu’à son licenciement.

L’employeur conteste cette position en arguant que l’action de la salariée était prescrite dès lors que cette dernière avait connaissance des agissements fautifs date à laquelle elle avait alerté l’Inspection du travail à ce sujet.

La Cour de cassation confirme la décision de Conseil des Prud’hommes et tranche en jugeant que le délai de prescription d’une action visant les faits caractérisant le harcèlement moral d’un salarié court à compter du dernier fait de harcèlement subi. L’ensemble des faits doit être pris en compte, peu importe que certains soient couverts par la prescription.

Exécution du contrat.

Cass. soc. 8-9-2021 n° 19-16.908.

Dans son arrêt du 8 septembre 2021, la Chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé que le caractère systématique du recours à des heures supplémentaires, qui porte la durée du travail du salarié de 35 heures à 39 heures, a pour conséquence de modifier le contrat de travail de l’intéressé. Dès lors que la société ne peut pas augmenter la durée hebdomadaire de travail du salarié qu’avec son accord exprès, son refus de cette modification n’est pas fautif. 

Période d’essai. 

La durée de la période d’essai doit s’apprécier au regard de la catégorie de l’emploi occupé.

Cass.Soc. 7.7.2021 N° 19-22.922.

Un salarié est engagé avec un contrat de travail qui fixe l’obligation d’accomplir une période d’essai de six mois, sans possibilité de renouvellement, conformément à la convention collective nationale dont relève l’entreprise. 

L’employeur met fin à la période d’essai. Le salarié saisit le Conseil de Prud’hommes, afin de demander que la rupture de son contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et non comme une simple rupture de la période d’essai en raison de sa durée déraisonnable.

La Cour d’appel donne raison au salarié, considérant que la durée de la période d’essai est déraisonnable au regard de la Convention n°158 de l’OIT. 

La Cour de cassation casse la décision de la Cour d’Appel considérant qu’elle a privé sa décision de base légale en se déterminant par une affirmation générale, sans rechercher, au regard de la catégorie d’emploi occupée, si la durée totale de la période d’essai prévue au contrat de travail était raisonnable ou non.

La Cour a jugé, qu’en l’espèce, une période d’essai de six mois d’un salarié, au regard de la catégorie d’emploi qu’il occupe, n’est pas déraisonnable.