Veille jurisprudentielle Décembre 2024

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Pour finir l'année 2024, nous vous proposons quelques arrêts variés et utiles à connaître. On vous dit tout.

Auteur / Autrice

Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

actualites jurisprudentielle sociale decembre
Sommaire de l'article

En cette fin d’année 2024, nous avons sélectionné quelques arrêts intéressants pour plusieurs raisons : le premier met fin à une longue incertitude jurisprudentielle concernant la mise à pied du salarié protégé, le second sanctionne un employeur trop lent à remplir ses obligations.

Les suivants traitent du travail dissimulé, du refus par l’employeur d’un congé sabbatique, d’une prime d’ancienneté devenue élément de rémunération et enfin un arrêt qui pose une limite au droit d’expression d’un salarié.

Bonne lecture !

Mise à pied disciplinaire du salarié protégé 

Ce qu’il faut retenir

Un salarié protégé ne peut pas refuser une mise à pied à titre disciplinaire.

Cass.soc. 11 décembre 2024, n°23-13.332

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Le cas détaillé

Un employeur notifie une mise à pied disciplinaire de cinq jours à l’un de ses salariés protégés, entraînant une modification de sa rémunération, sans l’aviser de la possibilité de refuser sa mise à pied disciplinaire. 

En effet, Il est de jurisprudence constante que toute modification des conditions de travail ou du contrat de travail du salarié protégé doit faire l’objet d’un accord préalable de ce dernier et ne peut en aucun cas lui être imposée par l’employeur.

Le salarié saisit donc la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir l’annulation de cette mise à pied et la condamnation de la société à lui verser diverses sommes. 

La Cour d’appel donne raison au salarié et annule sa mise à pied disciplinaire.  

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et juge expressément que « la mise à pied du salarié protégé n’est pas subordonnée à l’accord du salarié car :

  • Elle n’a pas pour effet de suspendre l’exécution de son mandat de représentant du personnel et n’entraîne ni modification de son contrat de travail ni changement de ses conditions de travail. 

Cet arrêt de la Cour de cassation du 11 décembre 2024 tranche un débat autour de la question de savoir si l’employeur est tenu d’obtenir l’accord du salarié protégé pour lui notifier une mise à pied à titre disciplinaire.

Certaines Cours d’appel reconnaissent que le salarié protégé a un droit de refus concernant la mise à pied à titre disciplinaire. (Reims, 3 juillet 2019, n°18/01030 ; Aix-en-Provence, 20 novembre 2020, n°17/21897).

D’autres, au contraire, considèrent  que « la mise à pied disciplinaire ne constitue qu’une mesure de suspension temporaire du contrat de travail qui n’emporte pas modification de ce dernier, en sorte que le moyen tiré de ce que cette mesure doit être soumise à son acceptation à raison de son statut protecteur est donc inopérant» (Nancy, 3 avril 2019, n°18/00179). 

Ces positions divergentes des juges du fond pouvaient poser des difficultés pour les employeurs.

La réponse par la négative de la Cour de cassation met enfin un point final à cette incertitude. 

Inaptitude du salarié et licenciement

Ce qu’il faut retenir

Le fait de maintenir le salarié inapte dans une situation d’inactivité forcée au sein de l’entreprise pendant plusieurs mois constitue un manquement de l’employeur à ses obligations

Cass.soc. 4 décembre 2024, n°23-15.337

Le cas détaillé

Un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, son état de santé excluant tout reclassement.

Trois mois plus tard, l’employeur reprend le paiement du salaire, mais ne consulte les autres sociétés du groupe que deux mois plus tard, puis licencie le salarié pour impossibilité de reclassement quatre mois plus tard. Entre-temps, le salarié saisit les prud’hommes pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

La Cour d’appel, qui considère que la lenteur de l’employeur dans ses démarches de reclassement et de licenciement (9 mois) ne constitue pas un manquement, rejette la demande du salarié.

La Cour de cassation, en s’appuyant sur les articles L.1222-1 et L.1226-11 du Code du travail, casse l’arrêt d’appel, rappelle que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et que l’employeur a l’obligation de reclasser ou, à défaut, de licencier le salarié déclaré inapte dans un délai raisonnable, tout en reprenant le paiement du salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail, au plus tard un mois après la date de l’examen médical de reprise du travail, si le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié.

Travail dissimulé

Ce qu’il faut retenir

Ne pas mentionner un avantage en nature sur le bulletin de paie du salarié peut caractériser un travail dissimulé

Cass.soc., 4 décembre 2024, n°23-14.259

Le cas détaillé

Un employeur met à disposition d’un salarié un logement de fonction de manière gratuite dans un bâtiment de l’entreprise. Or ce logement gratuit n’apparait pas sur les bulletins de paie du salarié. 

Selon l’article L. 8221-5, 3°, du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Saisie, la Cour d’appel décide que :

  • La mise à disposition d’un logement de fonction de manière gratuite est constitutive d’un avantage en nature qui doit, à ce titre, être évalué pour être soumis à cotisations sociales. 
  • Que l’intention de l’employeur de dissimuler cet avantage, non indiqué sur les bulletins de paie du salarié, est caractérisée.

Elle condamne l’employeur à payer au salarié une somme à titre d’indemnité pour travail dissimulé.

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Saisie d’un pourvoi par l’employeur, la Cour de cassation le rejette et confirme la décision de la Cour d’appel : « la fourniture, par l’employeur, d’un logement constitue un avantage en nature qu’il y a lieu d’inclure dans le montant de la rémunération du salarié et qui doit être indiqué sur le bulletin de paie qui lui est remis. 

Refus par l’employeur d’un congé sabbatique

Ce qu’il faut retenir

En cas de refus d’un congé sabbatique par l’employeur, les conséquences préjudiciables qu’il invoque doivent être réelles. 

Cass.soc. 20 novembre 2024, n°23-18446 

Le cas détaillé

Un employeur refuse la demande de congé sabbatique d’une salariée car, en tant que seule responsable grands comptes sur les clients stratégiques, son absence aurait des conséquences préjudiciables et un fort impact sur l’organisation de l’équipe à laquelle elle appartient.

La salariée conteste ce refus devant le conseil des prud’hommes et obtient gain de cause. Les juges du fond ordonnent à l’employeur de lui accorder ce congé.  

Dans les entreprises de moins de 300 salariés, l’employeur peut refuser un congé sabbatique s’il considère, après avis du CSE, que l’absence du salarié aura des répercussions sur le bon fonctionnement de l’entreprise. ( Art. L. 3142-29 et L.3142-113 du Code du travail).

Il appartient à l’employeur, le cas échéant, d’apporter la preuve du caractère préjudiciable du départ en congé devant le conseil de prud’hommes.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation rappelle le devoir du juge d’apprécier la réalité des conséquences préjudiciables invoquées par l’employeur et son pouvoir d’annuler le refus de l’employeur si aucune conséquence préjudiciable pour l’entreprise n’est démontrée . 

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Liberté d’expression, sms depuis le téléphone professionnel et vie privée

Cass.soc. 11 décembre 2024, n°23-20.716

Le cas détaillé

Un salarié conteste son licenciement pour faute lourde, motivé par “son refus de collaborer avec la nouvelle direction et de ses propos critiques et dénigrants visant la société et ses dirigeants, tenus lors d’échanges électroniques et par SMS envoyés au moyen de son téléphone portable professionnel.”

Invoquant une violation de son droit à la liberté d’expression, le salarié saisit la juridiction prud’homale pour contester cette rupture et faire juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La Cour d’appel juge le licenciement justifié et déboute le salarié de ses demandes d’indemnisation. 

Saisie d’un pourvoi, La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel et considère que :

  • Le salarié, en désignant par des propos critiques et dénigrants la société et ses dirigeants, a commis un abus dans l’exercice de sa liberté d’expression, peu important le caractère restreint de la diffusion de ces propos.
  • Les sms envoyés par le téléphone professionnel, dont le contenu est en rapport avec son activité professionnelle, bénéficient d’une présomption de caractère professionnel et ne revêtent pas de caractère privé.

Prime d’ancienneté reconnue comme constituant un élément de rémunération.

Ce qu’il faut retenir

Dès lors qu’une prime d’ancienneté est payée systématiquement à la salariée par l’employeur pendant de longues années, indépendamment de toute condition conventionnelle d’attribution, elle devient un élément de sa rémunération.

Cass. soc. 4-12-2024 n° 23-19.528 F-D.

Le cas détaillé

Une salariée saisit la juridiction prud’homale d’une demande en rétablissement d’une prime d’ancienneté et en paiement d’un rappel de cette prime. 

Elle fait valoir que son employeur lui avait versé une allocation d’ancienneté de manière constante pendant plusieurs années sans tenir aucun compte du niveau de rémunération atteint par la salariée et que l’élément de salaire versé au salarié avec constance et régularité constitue un élément de rémunération dont le paiement est obligatoire pour l’employeur.

La Cour d’appel la déboute de ses demandes en retenant une erreur de l’employeur qui, certes, a perduré, mais porte sur le versement d’une allocation conventionnelle qui ne revêt pas le caractère d’une prime, comme l’affirme la salariée et ne peut donc être constitutive d’un droit acquis ou d’un usage 

La salariée se pourvoit en cassation.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et considère que l’allocation supplémentaire pour ancienneté était devenue, en raison de son paiement systématique par l’employeur pendant une vingtaine d’années, indépendamment de toute condition conventionnelle d’attribution, un élément de rémunération de la salariée

Obligation contractuelle du salarié

Ce qu’il faut retenir

Un salarié dont le contrat prévoit des déplacements ne peut pas les refuser. 

Cass.soc. 23 octobre 2024, n°22-24.737

Le cas détaillé

Un salarié, dont le contrat de travail prévoit que, pour les besoins de l’exploitation, il pourra être amené à changer de lieu de travail et qu’il pourra aussi être appelé à faire des déplacements pour les besoins du service est licencié pour faute grave en raison de son refus, à plusieurs reprises, de réaliser des transports en raison des kilomètres à effectuer et des découchers qui s’ensuivaient.  

Il conteste son licenciement en invoquant notamment qu’à défaut de stipulation contractuelle explicite imposant au conducteur routier de découcher, l’employeur ne peut pas le licencier en invoquant une faute grave résultant de ce motif.  

Saisie en appel, la Cour d’appel déboute le salarié de sa demande et valide le licenciement. Elle rappelle que les déplacements refusés par le salarié s’inscrivent dans le cadre habituel de son activité, et que le contrat envisage expressément la possibilité pour le salarié de se déplacer occasionnellement sur un secteur géographique plus large que la zone initialement prévue.

Saisie du pourvoi, la Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel et confirme le licenciement.