Veille jurisprudentielle Juin 2025

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Licenciement pour faute, obligation de sécurité de l'employeur même chez les clients, repos associé aux heures de délégation, reconnaissance du statut de données personnelles aux e-mails, quelques arrêts intéressants à découvrir dans notre veille jurisprudentielle du mois de juin.

Auteur / Autrice

Juriste droit social, consultante et rédactrice juridique et RH

veille actualites jurisprudentielle juin 2025
Sommaire de l'article

Dans cette dernière revue de jurisprudence sociale avant la trêve estivale, nous vous proposons plusieurs arrêts autour du licenciement et quelques arrêts relatifs à l’obligation de sécurité de l’employeur, aux heures de délégation et à l’accès des salariés à leurs données personnelles.

Bonne lecture et bon été !

Licenciement

Respect d’un délai restreint pour engager une procédure de licenciement pour faute grave

Cass.soc. 27 mai 2025, 24-16.119

Ce qu’il faut retenir

En cas de licenciement pour faute grave, l’employeur doit mettre en œuvre la procédure de licenciement dans un délai restreint après la constatation des faits imputés au salarié sous la surveillance du juge. À défaut, le licenciement pourrait être considéré comme dépourvu de cause réelle sérieuse. 

Le cas détaillé

Une salariée est licenciée pour faute grave pour des faits dont l’employeur a eu connaissance près d’un mois et demi plus tôt. 

La salariée conteste son licenciement pour faute grave : selon elle, la qualification de faute grave ne peut pas être retenue puisque l’employeur n’a pas engagé la procédure de licenciement dans un délai restreint, ce qui exclut la faute grave. 

Les juges du fond déboutent la salariée de sa demande : les faits reprochés sont bien constitutifs d’une faute grave et le délai de deux mois pour engager la procédure est bien respecté.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et rappelle que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien dans l’entreprise. Elle précise que la mise en œuvre de la procédure de licenciement doit donc intervenir dans un délai restreint après la connaissance des faits fautifs par l’employeur, sous peine de voir la faute grave écartée. 

Management inapproprié et licenciement pour faute grave

Cass. soc., 4 juin 2025, n° 23-20.600

Ce qu’il faut retenir

Un management qui a pour effet de dégrader les conditions de travail des salariés peut justifier le licenciement pour faute grave du manager. 

Le cas détaillé

Un manager, malgré ses 28 ans d’ancienneté, aucun dossier disciplinaire et ses excellents entretiens annuels, est licencié pour faute grave en raison de ses méthodes de management caractérisées par la dévalorisation et la dégradation des conditions de travail de ses subordonnés, de ses difficultés à travailler avec les femmes, de l’instauration d’un climat de crainte au sein de son équipe, d’un déficit d’accompagnement managérial, ainsi que de propos portant atteinte à la dignité de ses collaborateurs.

Le manager conteste son licenciement et demande sa nullité car basé selon lui, sur un usage abusif de sa liberté d’expression.

La Cour d’appel, estimant que les propos tenus par le manager portent atteinte à la dignité de ses collègues de travail rejette la demande de nullité du licenciement.

La Cour de cassation confirme la position de la Cour d’appel et, malgré son ancienneté et ses bons résultats, retient la faute grave du salarié, qui justifie son départ immédiat, compte tenu de la dégradation des conditions de travail des membres de son équipe, prouvé par des attestations détaillées et par le courrier du médecin du travail, et de l’impact sur leur santé qui en a découlé.

Elle rajoute que le salarié n’a pas été licencié pour un usage abusif de sa liberté d’expression, aucune atteinte à la liberté d’expression n’ayant été démontrée, mais en raison de ses méthodes de management dégradantes et ses positions qui portaient atteinte à la dignité de ses collaborateurs.

Report de l’entretien préalable au licenciement en raison de l’état de santé du salarié

Cass.soc. 21 mai 2025, n°23-18.003

Ce qu’il faut retenir

En cas de report de l’entretien préalable en raison d’un arrêt maladie, l’employeur n’est pas tenu d’adresser une nouvelle convocation en bonne et due forme, ni de respecter un nouveau délai de 5 jours ouvrables avant la tenue de ce nouvel entretien. Il lui suffit en effet d’informer le salarié “par tous moyens” des nouvelles date et heure.

Le cas détaillé

Une salariée est convoquée par lettre datée du 31 octobre 2016 pour un entretien préalable fixé au 9 novembre 2016.  En raison de son arrêt de travail s’achevant le 17 novembre 2016, l’employeur prend l’initiative de convoquer à nouveau la salarié, par lettre du 24 novembre, pour un entretien du 30 novembre 2016. 

La salariée réclame une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement au motif que, dans la deuxième convocation, l’entretien préalable avait eu lieu moins de 5 jours ouvrables après la convocation.

La cour d’appel déboute la salariée de sa demande : en effet, elle estime que la procédure est été respectée puisque la première convocation respecte le délai de 5 jours ouvrables.

La Cour de cassation confirme la décision des juges d’appel : elle considère que l’employeur était simplement tenu d’aviser en temps utile de l’entretien et précise que le délai de 5 jours avait commencé à courir à compter de la lettre initiale de convocation.

En l’espèce, la salariée avait été convoquée par lettre recommandée dans le délai légal, et avisée en temps utile des nouvelles date et heure de l’entretien reporté en raison de son état de santé : la procédure de licenciement était donc régulière.

Obligation de sécurité de l’employeur

Cass.soc 11 juin 2025, n°2416.083

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Ce qu’il faut retenir

Les préconisations du médecin du travail s’appliquent dans l’entreprise ainsi que chez ses clients et il incombe à l’employeur de vérifier qu’elles sont bien respectées. 

Le cas détaillé

Un salarié, victime d’un accident du travail, est déclaré apte au travail par le médecin du travail, à condition de ne pas porter de charges de plus de 10 kgs sans l’utilisation d’une transpalette électrique.  

L’employeur n’ayant pas vérifié que tous les points de livraison de la tournée du salarié étaient effectivement dotés de cet équipement, en particulier chez les clients, le salarié fait une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

La Cour d’appel déboute le salarié de ses demandes : selon elle, l’employeur ne pouvait pas vérifier si ses clients respectaient bien les recommandations du médecin du travail. 

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et rappelle que l’employeur, dans le cadre de son obligation de sécurité, doit tenir compte des recommandations du médecin du travail à l’égard du salarié et en vérifier l’effectivité dans tous les lieux de l’entreprise où le salarié effectue ses missions, y compris chez ses clients. 

Heures de délégation

Cass.soc. 4 juin 2025, n°23-17.854

Ce qu’il faut retenir

Le représentant du personnel doit bénéficier, à l’issue de ses heures de délégation, du même repos que s’il avait travaillé à son poste.

Le cas détaillé

Une salariée, exerçant en travail posté et investie de mandats de déléguée syndicale et membre du CSE, est licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Elle saisit le Conseil de prud’hommes et réclame un rappel de salaire au titre d’un repos non accordé.

Elle fait valoir qu’en application d’un accord collectif, elle a droit à 16 heures de repos entre deux postes successifs. Selon elle, ce droit doit également s’appliquer à l’issue de l’exercice d’heures de délégation, dès lors que celles-ci sont assimilées à du temps de travail effectif.

L’employeur s’oppose à cette interprétation.

La Cour de cassation donne raison à la salariée et rappelle que, conformément à l’article L. 2143-17 du Code du travail, les heures de délégation sont assimilées à du temps de travail effectif et ne peuvent donc entraîner aucune perte de salaire.

Lorsque l’organisation du travail prévoit un temps de repos minimal renforcé à l’issue d’un poste, ce repos doit également s’appliquer à la suite d’heures de délégation.  

L’exercice d’un mandat représentatif ne peut en aucun cas placer le salarié dans une situation moins favorable que s’il avait travaillé normalement. Ainsi, le repos spécifique au travail posté doit s’appliquer à l’issue des heures de délégation, sauf disposition conventionnelle contraire expresse et licite.

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Protection des données personnelles

Cass.soc., 18 juin 2025, n°23-19.022

Ce qu’il faut retenir

Les e-mails professionnels se voient reconnaître le statut de données personnelles auxquelles le salarié a accès.

Le cas détaillé

Un directeur est licencié pour faute à la suite de plaintes de salariées relatives à des comportements déplacés de nature sexiste ou à connotation sexuelle de sa part.

Il saisit la juridiction prud’homale pour contester son licenciement et la validité de sa convention de forfait en jours. Afin d’assurer sa défense, ce salarié sollicite auprès de son employeur la communication de l’ensemble des courriels professionnels, échangés via sa messagerie.

L’employeur s’y oppose et soutient que ces éléments reçus « dans l’exercice de ses fonctions » ne constituent pas des données à caractère personnel.

La Cour d’appel accueille favorablement la demande du salarié et reconnaît explicitement que les courriels professionnels envoyés ou reçus par un salarié constituent des données à caractère personnel au sens de l’article 4 du RGPD.

Il en résulte que lorsque le salarié exerce son droit d’accès à ses données personnelles, l’employeur est tenu de lui transmettre l’intégralité des courriels professionnels, dans la limite des droits et libertés d’autrui.

L’employeur se pourvoit en cassation.


La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la position de la Cour d’appel. Elle condamne l’employeur pour ne pas avoir répondu en totalité à la demande d’accès du salarié à ses données à caractère personnel et dit le salarié fondé à obtenir des dommages-intérêts pour non-respect du droit d’accès aux données personnelles, en raison du préjudice subi.

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