Philippe Kamanova est le directeur du site Urgo de Veauche, dédié au textile médical innovant, l’un des fer-de-lance du groupe.
Fabien Prêcheur est le directeur de l’usine Urgo de Chevigny, où se mêlent production, conditionnement et logistique.
En marge de la semaine de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT), ils démontrent les efforts du groupe dans le domaine de la sécurité et de la pénibilité sur leurs sites industriels.
En 2022, plus de 550 000 accidents du travail ont été déclarés en France. C’est le signe que la réduction des risques doit être placée au cœur de la stratégie des grands acteurs industriels. Et que les efforts menés restent encore insuffisants. Comment intégrez-vous cette problématique au sein du groupe Urgo ?
Philippe Kamanova —La sécurité est forcément une priorité. Dans toute réunion au sein des usines du groupe, le premier thème est celui de la sécurité.
Dès que nous intégrons ou modifions une machine sur notre site, nous intégrons des experts de la sécurité en amont et menons un ensemble d’inspection ensuite.
Chaque action en faveur de la sécurité fait l’objet d’un suivi. Chaque poste industriel est étudié pour qu’on puisse en identifier les zones de risque.
Très concrètement, nos actions en faveur de la sécurité trouvent un ensemble de déclinaisons concrètes au niveau matériel : par exemple, nous avons désormais un pont roulant, qui nous permet de manutentionner et de manipuler des charges lourdes sur certains de nos ateliers, entraînant une meilleure maniabilité pour certains corps de métiers, comme les logisticiens.
Historiquement, cette mission était réalisée par des chariots électriques, plus dangereux et moins pratiques.
Évidemment, nous travaillons en collaboration avec le CSSCT ou encore la médecine du travail, qui constituent des alliés précieux. Et bien sûr avec nos collaborateurs sur le terrain, qui sont au plus près de ces enjeux.
Nous avons, par exemple, déployé des casques antibruit qui, en plus de protéger des décibels, permettent de maintenir malgré tout une conversation. Ce qui est essentiel dans notre politique de formation.
Ce besoin nous a été directement remonté d’une collaboratrice qui faisait directement face à cette problématique. Les « idées terrain » sont systématiquement écoutées et peuvent, parfois, donner lieu à des investissements ou des adaptations.
Nous sommes aussi en posture de veille pour rester à l’écoute des potentielles innovations sectorielles dans l’ergonomie et intégrer de potentielles innovations.
Fabien Prêcheur – Nous pourrions rajouter que la sécurité sur nos sites industriels est pensée au niveau groupe, avec le programme U-CARE UI-CARE, lancé depuis trois ans maintenant dans l’intégralité de nos sites.
Il a l’ambition de diviser par deux le nombre d’accidents dans nos sites industriels avec pour conviction que tout accident peut être évité en s’appuyant sur plusieurs principes : débanaliser chaque accident, des règles et standards de sécurité identiques pour tous ou encore ce que nous nommons en interne les « dialogues sécurité ».
Se pose évidemment la question de l’acculturation de vos collaborateurs à ces nouvelles machines, ces nouvelles règles, ces nouvelles normes… Comment s’incarne concrètement la formation à ces enjeux chez Urgo ?
Fabien Prêcheur – Pour engager l’ensemble des managers et des collaborateurs dans une démarche sécurité, il faut à la fois une politique sécurité claire et des objectifs ambitieux avec une bonne communication et un large plan de formation pour tous les niveaux.
C’est ce que nous avons mis en place. La sécurité doit en effet être portée par tous. Chez nous, elle s’incarne par un point important : le déploiement massif des « dialogues sécurités », que j’ai déjà évoqué.
Il s’agit pour les managers de rendre visite aux équipes engagées sur un poste pour identifier, lors de la visite, les points positifs, mais aussi les actions et conditions dangereuses observées.
L’objectif est d’avoir défini, à la fin de la visite, les actions immédiates pour que le collaborateur adapte ses pratiques et son environnement pour travailler en sécurité sur son poste.
Nous avons un suivi de ces dialogues, qui permet d’avoir une vue sur l’intégralité des postes de travail et de voir tous les collaborateurs et intérimaires 2 fois par an.
Évidemment, en plus de ce cadre de dialogue permanent, nous avons une politique de formation réglementaire ou encore de formations à l’ergonomie.
Ces dernières concernent plus de 200 personnes tous les quatre ans sur le site de Chevigny. Cette capacité à conduire le changement par la formation est essentielle.
Au-delà de la sécurité, comment l’enjeu de la pénibilité est-il pris en compte ?
Philippe Kamanova — Dans une dimension là encore très concrète et avec l’intégration de belles nouveautés. Petit à petit, les tâches les plus pénibles tendent à être technologiquement soutenues et automatisées.
Nous avons des filmeuses automatiques ; des préhenseurs pour manipuler les bobines de fil ; des chaises adaptées ; des tapis antifatigue ou encore des casques antibruit.
Sur certains postes, nous avons des conditions de travail délicates, avec une ergonomie loin d’être simple, obligeant les collaborateurs à avoir souvent les bras en l’air pour manipuler des fils, ce qui peut être fatiguant à la longue.
Nous avons introduit une passerelle électrique pour permettre aux gens de monter directement à la hauteur nécessaire sans avoir à lever les bras. Mais aussi des exosquelettes, qui permettent de tenir les bras en position haute avec un minimum d’efforts et un bon maintien au niveau du cou.
Cette somme d’actions, plus ou moins petites, contribue à lutter de manière efficace contre la pénibilité au travail.
Avez-vous des indicateurs pour mesurer très clairement l’effet de ces mesures sur la sécurité au travail ?
Philippe Kamanova — Le premier indicateur est sans doute notre positionnement par rapport à la moyenne nationale et aux autres acteurs industriels.
Nous avons aussi les données associées au nombre d’accidents ou encore aux « presqu’accidents », qui sont aussi essentiels à prendre en compte. Dans le thème de la formation, nous avons aussi le taux de réalisation des dialogues de sécurité.
Nous sommes actuellement dans une dynamique favorable, ce qui est positif sachant que nous sommes en situation de croissance, entraînant parfois des situations de coactivité sur notre site de Veauche.
Chaque chiffre, chaque indicateur, fait l’objet d’une réflexion et d’un plan d’action. Ces plans d’action sont régulièrement revus.
Fabien Prêcheur – Nous avons réduit de manière très significative le taux de fréquence des accidents sur les sites industriels français, ce qui démontre que notre politique très volontariste porte ses fruits.
De plus, en termes budgétaires, c’est plus de 1.3M€ engagé sur le site de Chevigny pour la sécurité en 2024 dont plus de 500k€ d’investissements sur le site de Chevigny dans le domaine de l’ergonomie et de la sécurité.