Quand la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat s’adapte à la crise sanitaire

Quand la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat s’adapte à la crise sanitaire

A la fin de l’année 2018, alors que le mouvement des « gilets jaunes » ne semblait pas trouver d’issue favorable, le Président de la République avait pris la parole afin d’annoncer un certain nombre de mesures visant à désamorcer cette crise aux conséquences économiques et sociales cruciales.

C’était ainsi que la loi « mesures d’urgences »[1] avait vu le jour, comportant notamment la possibilité pour les entreprises de verser une prime entièrement défiscalisée et exonérée de cotisations sociales, dans la limite de 1 000€. Il s’agissait bien d’une simple possibilité, les entreprises n’ayant aucune obligation de la verser. Cette mesure a marqué la volonté des pouvoirs publics d’encourager les employeurs à soutenir le pouvoir d’achat de leurs salariés.

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Pouvant être instaurée sur simple décision unilatérale de l’entreprise ou bien par accord collectif négocié avec les partenaires sociaux, à la fin du mois de janvier 2019, la prime avait bénéficié à 2 049 600 salariés pour un montant moyen d’environ 449€[2].

La volonté de s’inscrire dans le contexte social tracé par le Gouvernement, ou encore de fidéliser les collaborateurs dans les domaines les plus concurrentiels, et bien entendu de circonscrire l’impact économique du mouvement des gilets jaunes sur les rémunérations versées par les entreprises les plus touchées ont été les principaux motifs avancés par les politiques RH.

Toutefois, ce dispositif « coup de pouce » n’a pas pu être suivi par toutes les entreprises, pour des raisons souvent financières, et ce, malgré les attentes de salariés face à la médiatisation de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat dit « prime PEPA ».

Aussi, quel serait l’avenir de cette mesure instantanée dans une société où les questions de luttes contre la précarité et de développement du pouvoir d’achat sont omniprésentes ?

Une reconduction très attendue du dispositif de la prime exceptionnelle !

Bien que réitérée pour l’année 2020, c’est une prime PEPA « nouvelle mouture » qui a été votée au Parlement.

Ainsi, selon la loi de financement de sécurité sociale pour 2020, cette nouvelle version de la prime autorise son versement jusqu’au 30 juin (au lieu du 31 mars en 2019), mais elle conditionne le bénéfice des exonérations sociales et fiscales à l’existence d’un accord d’intéressement lors de son versement.

Cette dernière condition, qualifiée de contraignante par certaines entreprises, a été adoptée dans la continuité de la loi PACTE[3] dont l’un des objectifs principaux est de favoriser le développement de l’épargne salariale et le partage de valeur au sein des entreprises. Notons que cette loi marque également la volonté générale du Gouvernement d’inciter les entreprises à favoriser le pouvoir d’achat des salariés.

Il est important de bien comprendre les tenants et aboutissants de cette nouvelle condition : sans accord d’intéressement déjà existant ou signé à la date de versement de la prime, les exonérations ne seraient pas applicables.

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Loyce Guillet est consultante expert en droit social chez ADP

En tout état de cause, la loi prévoit que tous les salariés sont éligibles au versement de cette prime exceptionnelle dès lors qu’ils sont liés par un contrat de travail à sa date de versement, ou bien à la date de dépôt de l’accord d’entreprise auprès de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), ou encore lors de la signature de la décision unilatérale de l’entreprise.

Les apprentis peuvent en bénéficier, de même que les mandataires sociaux titulaires d’un contrat de travail, ou encore les télétravailleurs et les intérimaires. Toutefois, les entreprises peuvent décider de réserver le versement de la prime à une partie de salariés. Cette possibilité est admise pour des salariés dont la rémunération est inférieure à un certain plafond. Ce plafond ne doit pas nécessairement correspondre à celui limitant l’éligibilité à l’exonération (3 SMIC).

Par ailleurs, le montant de la prime est librement décidé par l’employeur. Ce montant peut être modulé entre les salariés en fonction des critères suivants : la rémunération, le niveau de qualification ou de classification, la durée du travail ou la durée de la présence effective au cours des 12 mois précédant la date de versement.  En respectant le principe de non-discrimination entre les salariés.

Tous ces éléments sont confirmés par la dernière instruction de la DSS en date du 16 avril 2020[4]. Ce texte est par ailleurs l’occasion de préciser les contours du nouveau critère de modulation lié à l’activité des salariés pendant la crise sanitaire sans précédent que nous connaissons.

Un outil de de récompense du travail réalisé pendant la crise sanitaire

En définitive, le contexte inédit de l’état d’urgence sanitaire a conduit les pouvoirs publics à réaménager le dispositif de la prime PEPA à travers une ordonnance du 1er avril 2020[5].

Dorénavant, les entreprises peuvent verser cette prime jusqu’au 31 août 2020, en modulant son montant en fonction des conditions de travail des salariés durant l’épidémie du Covid-19. Par ailleurs, les entreprises dépourvues d’accord d’intéressement, peuvent comme l’année passée, verser cette prime défiscalisées et exonérée de cotisations dans la limite de 1 000€. Toutefois, en présence d’un tel accord, le seuil d’exonération de la prime est augmenté à 2 000€.

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Force est de constater une ambition nouvelle accordée à cette prime PEPA. En effet, au-delà de son indéniable objectif économique, la prime PEPA devient un outil de récompense de l’ensemble du travail réalisé pendant l’épidémie. Tous les secteurs professionnels sont incontestablement ébranlés par cette crise sanitaire.

De manière assez paradoxale, l’épidémie a conduit soit à un redoublement d’efforts dans certains domaines, soit à une diminution voire un arrêt total de l’activité dans d’autres. C’est pourquoi les pouvoirs publics ont souhaité laisser toute latitude aux entreprises pour son versement. Ceci par exemple afin de récompenser les salariés ayant dû se rendre sur leur lieu de travail pendant cette période.  

A ce titre, ce nouveau critère justifie à lui-seul l’exclusion de certains salariés jusqu’alors éligibles. Par exemple, une entreprise peut légitimement réserver la prime PEPA aux salariés ayant dû se rendre sur leur lieu de travail pendant la période de crise sanitaire, excluant les télétravailleurs.

En outre, la détermination de son montant peut être fonction de conditions spécifiques de travail pendant l’épidémie.  Ainsi, le montant peut être majoré pour des salariés ayant dû continuer à se rendre sur site ou bien en contact direct avec la clientèle.

Par conséquent, la liberté est laissée aux entreprises pour l’appréciation des critères les plus opportuns à retenir. Le Gouvernement a permis l’utilisation du dispositif de la prime PEPA pour des raisons allant au-delà de considérations, non moins importantes, de pouvoirs d’achat : la dimension sociale de cette mesure s’inscrit dans la volonté des pouvoirs publics d‘inciter les entreprises à toute la bienveillance nécessaire pendant cette crise sanitaire. 


Loyce Guillet

Loyce-Guillet

Diplômée de l’Université de Nantes, titulaire d’une Licence en droit privé et d’un Master en droit social, Loyce Guillet a débuté sa carrière chez ADP en alternance en septembre 2015 en tant que Consultante en droit social.

Après une année à développer ses compétences en assistance juridique quotidienne, dans l’élaboration de documents juridiques ou dans la formation des utilisateurs, Loyce Guillet a évolué sur le poste de Juriste Expert en droit social en septembre 2016.

Dans les domaines du droit social, des RH et de la paie, elle est en charge notamment du suivi des évolutions législatives, de l’animation de réunions d’informations sur les changements fiscaux et sociaux ou encore du support juridique pour des clients d’ADP, qu’il s’agisse de PME ou des Grands Comptes.


[1] Loi n°2018-1213 portant mesures d’urgences économiques et sociales du 24 décembre, JO du 26

[2] Selon les chiffres de l’INSEE et de l’ACOSS

[3] Loi n°2019-486 relative à la croissance et à la transformation des entreprises du 22 mai 2019, JO du 23

[4] Instruction n°DSS/5B/2020/59 du 16 avril 2020, relative aux conditions d’exonérations des primes exceptionnelles prévues par l’ordonnance 2020-385 du 1er avril 2020.

[5] Ordonnance n°2020-385 modifiant la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, du 1er avril 2020, JO du 2

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