Dans cette veille jurisprudentielle d’avril 2025, nous vous présentons des arrêts sur des sujets très divers parmi lesquels : le traitement des avantages en nature pendant la période de reclassement, les conséquences du non-respect des préconisations du médecin du travail, la validité d’un licenciement pour faits tirés de la vie privée du salarié et plusieurs autres que nous vous laissons découvrir.
Bonne lecture !
Alcool au travail
Cass. Soc., 26 février 2025, n° 23-10.506
Ce qu’il faut retenir
Le licenciement pour faute grave d’un salarié en état d’ébriété est valide au regard de l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur.
Le cas détaillé
Un salarié est soumis à un contrôle d’alcoolémie à l’issue duquel il est relevé 0,28 mg d’alcool par litre d’air expiré, alors que la limite réglementaire est fixée à 0,25 mg/l. Licencié pour faute grave, il conteste le bien-fondé de son licenciement en invoquant la marge d’erreur de l’éthylotest.
La Cour d’appel puis la Cour de cassation valident le licenciement. En effet, selon elles :
- Le test d’alcoolémie est positif et confirme un état d’imprégnation alcoolique sur le lieu de travail.
- Le salarié occupe un poste à risque sur un chantier de meulage.
- L’employeur est tenu par une obligation de sécurité, justifiant une tolérance zéro face à l’alcool sur ce type de poste.
La Cour de cassation en déduit que, même si les éthylotests comportent une marge d’erreur, l’alcoolisation du salarié est ici avérée et que le salarié a commis une violation de ses obligations contractuelles.
Dans cet arrêt, la Cour confirme que les employeurs peuvent légitimement sanctionner des salariés exerçant des fonctions sensibles (bâtiment, conduite, secteur industriel, etc.) en cas de contrôle positif, même en présence d’une marge d’erreur technique et que les règles de tolérance zéro dans certains secteurs sont pleinement justifiées.
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Evaluer l'efficacité de votre paieAvantage en nature
Cass.soc. 12 mars 2025, n°23-22.756
Ce qu’il faut retenir
Pas d’avantage en nature après la fin du préavis, même en reclassement.
Le cas détaillé
Plusieurs salariés, licenciés pour motif économique, acceptent le congé de reclassement mis en place par leur entreprise.
Après la fin de leur préavis non effectué, l’employeur leur demande la restitution des véhicules de fonction qui avaient été mis à leur disposition durant leurs fonctions.
Les salariés contestent cette demande et réclament des dommages-intérêts, au motif que cette restitution représenterait une suppression illicite d’un avantage en nature équivalent à une baisse de rémunération, et donc une modification unilatérale de contrat de travail.Â
La Cour de cassation rejette leur pourvoi et rappelle que le congé de reclassement s’impute sur la durée du préavis, mais ne peut pas en excéder la durée. Lorsque c’est le cas :
- Le salarié ne perçoit plus sa rémunération contractuelle, mais une allocation de reclassement.
- Cette allocation, versée par l’employeur, ne comprend pas les avantages en nature, lesquels sont liés à l’exécution du contrat de travail pendant la période de préavis.
Pour la Cour, les salariés ne peuvent pas exiger le maintien de leur véhicule de fonction au-delà de la durée théorique de son préavis, dès lors qu’ils perçoivent une allocation spécifique et non plus leur salaire contractuel.
Dans cet arrêt, La Cour de cassation rappelle trois choses :
- Une jurisprudence constante selon laquelle le congé de reclassement suspend le contrat de travail et modifie le régime de rémunération applicable.
- Les avantages en nature, comme le véhicule de fonction, sont liés à la rémunération contractuelle, et ne sont donc pas dûs lorsque celle-ci est remplacée par une allocation.
- L’employeur, en retirant le véhicule de fonction au terme du préavis, ne modifie pas unilatéralement le contrat de travail, puisque le contrat est déjà suspendu.
Exercice d’une profession réglementée sans diplôme
Cass.soc. 26 mars 2025, n°23-21.414
Ce qu’il faut retenir
L’exercice d’une profession règlementée sans diplôme représente une négligence de l’employeur qu’il ne peut reprocher au salarié.
Le cas détaillé
Une salariée est licenciée pour faute grave pour avoir occupé un emploi de préparatrice en pharmacie durant de nombreuses années sans posséder le diplôme de préparateur en pharmacie ni bénéficier de l’autorisation préfectorale d’exercice, alors qu’il s’agit d’une profession réglementée et que son contrat de travail soumettait expressément l’emploi à la détention de ce diplôme.
De plus, elle n’avait pas répondu à une demande de justifications malgré l’envoi de plusieurs mises en demeure.Â
La Cour d’Appel considère le comportement de la salariée comme un manquement à son obligation de loyauté, résultant de son absence de déclaration sur le caractère illicite de son statut, de nature à engager la responsabilité pénale de son employeur.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel : selon elle, la société avait poursuivi les relations contractuelles durant plusieurs années sans vérifier que la salariée disposait de la qualification nécessaire à l’emploi de préparatrice en pharmacie, elle ne pouvait donc pas invoquer une règlementation à laquelle elle avait elle-même contrevenu et se prévaloir de sa propre négligence pour reprocher à la salariée une faute grave.
Handicap et discrimination
Cass.soc. 2 avril 2025, n°24-11.728
Ce qu’il faut retenir
Le non-respect des préconisations du médecin du travail sur l’aménagement de l’espace de travail peut être discriminatoire.
Le cas détaillé
Une salariée est reconnue travailleuse handicapée, à qui le médecin de travail préconise l’achat d’un fauteuil ergonomique pour aménager son espace de travail.
L’entreprise ne lui fournissant pas de fauteuil ergonomique, la salariée saisit les Prud’hommes pour discrimination en raison de son handicap.
La Cour d’appel rejette la demande de la salariée et considère que cette dernière ne se fonde que sur le non-respect des préconisations du médecin du travail par l’entreprise, sans produire d’éléments de fait prouvant la discrimination.
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et juge que le fait de ne pas se conformer aux préconisations du médecin du travail en matière d’aménagement du poste de travail, sans justifier d’une impossibilité matérielle légitime, constitue à lui seul une mesure discriminatoire en raison du handicap.
Licenciement et vie personnelle du salarié
Cass.soc. 26 mars 2025, n°23-17.544
Ce qu’il faut retenir
Un motif tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement disciplinaire.
Le cas détaillé
Un salarié est licencié pour faute grave, pour avoir envoyé de nombreux appels et SMS depuis son téléphone professionnel sur la boite professionnelle d’une collaboratrice avec qui il avait eu une liaison, exigeant d’elle des explications sur leur relation et insistant pour renouer avec la salariée malgré son refus.
Le salarié conteste son licenciement : pour lui, les faits reprochés relevaient de sa vie privée et ne constituaient pas de manquement à ses obligations professionnelles.
La Cour d’appel comme la Cour de cassation donnent raison à l’employeur. Le comportement du salarié, bien que motivé par des faits tirés de sa vie personnelle, se produit sur le lieu et pendant le temps de travail, et constitue, de ce fait, un manquement du salarié à ses obligations professionnelles incompatibles avec ses responsabilités de directeur.
De plus, le comportement déplacé du salarié provoquait un mal-être de la collaboratrice, constaté par le médecin du travail, et en lien avec ses difficultés relationnelles avec le salarié et potentiellement délétère pour sa santé.
De l’ensemble de ces éléments, la Cour de cassation en déduit un manquement du salarié à ses obligations découlant du contrat de travail, incompatible avec ses responsabilités, et un comportement de nature à porter atteinte à la santé psychique d’une autre salariée rendant impossible son maintien dans l’entreprise et justifiant son licenciement disciplinaire.
Inaptitude et arrêt de travail
Cass.soc. 28 janvier 2025, n°23-18.585
Ce qu’il faut retenir
La délivrance d’un arrêt de travail postérieur à une déclaration d’inaptitude ne suspend pas à nouveau le contrat du salarié.
Le cas détaillé
À la suite d’un avis d’inaptitude à son poste prononcé par le médecin du travail, un salarié est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement . Entretemps, il est placé en arrêt de travail pour maladie.Â
Aux termes de l’article L. 1226-4 du C. du travail, au-delà d’un délai d’un mois suivant le constat de l’inaptitude, le versement du salaire doit reprendre, et ce jusqu’à la date du reclassement ou du licenciement. Pendant ce délai, le salaire est suspendu.Â
La question posée est celle de savoir ce qu’il se passe quand le salarié est en arrêt de travail qui lui ouvre droit à un maintien de salaire ?
La Cour d’appel déboute le salarié de sa demande de rappel de maintien de salaire sur la période d’un mois suivant la déclaration d’inaptitude et estime que l’avis d’inaptitude fait obstacle à ce que l’arrêt de travail postérieur ouvre une nouvelle période de suspension du contrat de travail.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel qui a exactement déduit que le salarié était sous le régime de l’inaptitude et que la suspension du contrat de travail ouvrant droit au maintien du salaire avait pris fin.
Transfert de documents confidentiels sur boîte email personnelle
Cass. soc., 9 avril 2025, n° 24-12.055
Ce qu’il faut retenir
Le transfert isolé de documents confidentiels sur une boite email personnelle, sans usage détourné ni intention de nuire, ne constitue pas une faute grave.
Le cas détaillé
Une salariée est licenciée pour faute grave pour avoir transféré un e-mail professionnel contenant des pièces jointes confidentielles vers sa messagerie personnelle, contrevenant aux règles internes de l’entreprise et manquant gravement à ses obligations.
La salariée conteste son licenciement devant le Conseil de prud’hommes et justifie ce transfert de données , qu’elle a d’ailleurs supprimé, par l’impossibilité de travailler depuis son domicile avec son matériel professionnel.
La Cour d’appel donne raison à la salariée, car elle ne constate de sa part, ni transmission à des tiers, ni intention malveillante et une longue ancienneté dans l’entreprise sans incident.
L’employeur se pourvoit en cassation.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur et rappelle qu’une faute grave suppose des faits d’une gravité telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Or, il n’est prouvé ni une diffusion externe des documents ni une volonté délibérée de la salariée de nuire à l’employeur.
Prenant également en compte l’ancienneté de la salariée et son comportement antérieur aux faits, la Cour de cassation en déduit l’absence de faute grave et même de cause réelle et sérieuse rendant le licenciement nul.Â
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