Harcèlement sexuel dans l’entreprise : quelle procédure suivre ?

Harcèlement sexuel dans l’entreprise : quelle procédure suivre ?

La gestion de vos salariés soulève des questions pour lesquelles vous n’avez pas toujours la réponse ? Malgré les informations réglementaires à votre disposition, vous manquez de temps ou vous avez des doutes sur l’application des textes ?

Découvrez un exemple concret de question RH issu du service « Accompagnement juridique RH » des Éditions Tissot.

Profil de l’entreprise

Effectif de l’entreprise : moins de 50 salariés

Convention collective concernée par la demande :
Convention collective nationale de commerces de gros – IDCC 0573

Question RH

Bonjour,

Il vient de m’être rapporté par d’autres salariés qu’un salarié en CDD avait tenu des propos particulièrement déplacés, à caractère sexuel, à une jeune stagiaire.

D’après les salariés, témoins, cette situation aurait commencé lundi, jour de l’arrivée de la stagiaire dans notre entreprise, et se serait poursuivie jusqu’à hier, mercredi. Il est en congé ce jour.

Quelle est la procédure à suivre ? Puis-je prononcer une mise à pied conservatoire, puis un licenciement ou une rupture anticipée pour faute grave ?

Je vous remercie pour votre aide et reste à votre disposition pour tout complément d’information.

Cordialement,

Réponse apportée par l’équipe « Accompagnement juridique RH » des Éditions Tissot

Vous aussi, vous avez des questions en droit du travail ? Découvrez le service Editions Tissot : Accompagnement juridique RH


Bonjour madame,

Vous nous interrogez sur la marche à suivre par un employeur qui découvre des faits supposés de harcèlement sexuel au sein de l’entreprise. Nous avons traité votre demande en priorité compte tenu de la gravité des faits évoqués. 

Concernant les faits

Le Code du travail (C. trav., art. L. 1153-1) a été ainsi rédigé :

« Aucun salarié ne doit subir des faits :

–  soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

–  soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ».

Le fait pour un salarié de tenir à plusieurs reprises des propos obscènes avec une connotation sexuelle permet de caractériser le harcèlement sexuel.

Il faudra également mettre en avant le fait que le salarié qui a importuné une collègue a rendu, par son comportement, insupportables les conditions de travail de la victime.

Un autre critère est qu’il faut l’absence de consentement de la victime. Cependant, il n’est pas exigé que la salariée ait expressément fait connaitre sa désapprobation. L’absence de consentement peut résulter du contexte dans lequel les faits ont été commis (silence permanent de la victime face aux agissements, demande d’intervention adressée à des collègues) (Circ. DACG no 2012-15/E8, 7 août 2012).

Les sanctions encourues

Ces faits sont extrêmement graves et justifient des sanctions en droit du travail, mais aussi sur le plan pénal.

Sur le plan du droit du travail, l’employeur est tenu de sanctionner un salarié procédant à des agissements de harcèlement moral ou sexuel (C. trav., art. L. 1152-5 et. L. 1153-6). À défaut, le salarié victime pourrait prendre acte de la rupture de son contrat de travail ou demander la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur si les faits rendent impossible la poursuite du contrat de travail (Cass. soc., 26 mars 2014, n° 12-23.634 ; Cass. soc., 3 févr. 2016, n° 14-25.843). Bien que le Code du travail ne fixe pas la sanction à envisager, la Cour de cassation considère que le harcèlement sexuel constitue nécessairement une faute grave (Cass. soc., 5 mars 2002, n° 00-40.717).

Le délit de harcèlement est par ailleurs réprimé par le Code pénal. La jurisprudence admet également que l’auteur du harcèlement engage sa responsabilité civile personnelle vis-à-vis de la victime, indépendamment de la responsabilité de l’employeur. Autrement dit, si la victime du harcèlement peut obtenir la condamnation pénale de l’auteur du harcèlement, elle peut aussi mettre en jeu sa responsabilité civile pour obtenir des dommages-intérêts.

Les peines maximales encourues par celui qui se rend coupable de harcèlement au travail sont fixées à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende (hors circonstances aggravantes).

Le salarié qui est victime peut :

  • soit déposer une plainte simple, auprès du commissariat de police ;
  • soit se constituer partie civile auprès du parquet du tribunal correctionnel. Cette dernière voie impose au parquet d’ouvrir une information judiciaire, au contraire de la plainte simple qui peut être classée sans suite. Cette procédure suppose cependant la rédaction d’une plainte circonstanciée, souvent par l’intermédiaire d’un avocat.

Il s’agit d’une démarche personnelle et indépendante de la procédure engagée par la direction de l’entreprise. 

Nous attirons votre attention également sur le comportement des autres salariés qui ont pu être présents lors de ces faits. Le fait d’avoir contribué à ces agissements peut constituer une complicité et les expose à des sanctions pénales.

Pour ceux qui auraient assisté passivement à ces faits, ils s’exposent à une condamnation pénale pour le délit de non-assistance à personne en danger. Par ailleurs, l’employeur peut être amené à les sanctionner pour leur inaction. 

Concernant l’auteur des faits (procédure à suivre par l’employeur)

L’employeur informé de tels faits doit réagir très rapidement afin :  

  • de déterminer si lesdits agissements constituent bien des actes de harcèlement sexuel ;
  • de ne pas laisser la situation dégénérer, et d’y mettre un terme ;
  • de sanctionner le cas échéant les coupables.

La mise à pied conservatoire de l’auteur des faits est envisageable. Il ne s’agit pas de la mise à pied disciplinaire (qui est une sanction), mais d’une mesure de protection pour mettre un terme aux agissements, permettre aux équipes de travailler sereinement, pouvoir mener une enquête. Le salarié voit son contrat de travail suspendu pendant la procédure disciplinaire et n’est pas rémunéré.

La mise à pied conservatoire n’est pas une sanction et ne doit donc pas respecter la procédure disciplinaire.  En principe, la mise à pied conservatoire peut être communiquée au salarié par tout moyen, même oralement. En pratique, il est recommandé à l’employeur de se constituer une preuve écrite de la date du prononcé de la mesure. Elle peut faire l’objet d’un courrier spécifique ou être notifiée en même temps que la convocation à l’entretien préalable.

Exemple de rédaction (à insérer dans la convocation) :

Par ailleurs, compte tenu de la gravité de la faute qui vous est reprochée, votre maintien dans l’entreprise pendant la durée de la procédure est impossible et nous prononçons votre mise à pied à titre conservatoire et à effet immédiat à compter de la remise en main propre de ce courrier (ou : à compter de la réception de la présente). Nous vous demandons donc de ne plus vous présenter à votre travail jusqu’à la notification de notre décision.

Variante : Nous vous confirmons par la présente la mise à pied qui vous a été notifiée le …… par courrier simple (ou remis en main propre) et sur-le-champ en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés. La mise à pied conservatoire est prononcée jusqu’à l’issue de la procédure.

Il est recommandé de diligenter au plus vite une enquête afin d’entendre toutes les personnes concernées (victime(s), auteur(s), témoin(s)… vous trouverez en pièces-jointes trois modèles de convocation à entretien dans le cadre d’une enquête interne pour harcèlement, destinés : au salarié potentiellement victime, aux témoins éventuels et au salarié potentiellement harcelant) pour recueillir rapidement les faits et justifier une éventuelle mesure de licenciement. Il est nécessaire de recueillir un maximum d’écrits (faire établir des attestations, faire signer les comptes rendus d’entretien par les personnes reçues, etc.).

L’objectif de l’enquête est donc, face à des faits présumés correspondant à ces définitions, d’aboutir à une connaissance exacte de ces faits et de leurs conséquences.

L’enquête n’est pas une procédure contradictoire où les deux parties énoncent leur vision des faits, à la différence d’un entretien préalable à sanction ou à licenciement.

Au cours de l’entrevue, l’employeur n’est d’ailleurs pas tenu de répondre aux questions du salarié sur les éléments de faits dont il serait informé.

Le ministère du Travail recommande d’agir avec discrétion pour protéger la dignité et le droit au respect de la vie privée de l’ensemble des personnes impliquées, d’anonymiser les informations qui seraient transmises à des personnes extérieures à l’enquête et de faire bénéficier l’ensemble des personnes impliquées d’une écoute impartiale et d’un traitement équitable.

Cette discrétion est d’autant plus impérative s’agissant d’un salarié présumé auteur de faits de harcèlement.

Voici un exemple de mode opératoire (après avoir déjà entendu la victime) :

  • recevoir l’auteur pour l’interroger sur les faits qui ont été relatés ;
  • possibilité de lui remettre immédiatement une convocation à un entretien préalable en vue de la rupture anticipée d’un CDD pour faute grave (modèle en PJ). Il y a un délai minimum à respecter, mais rien n’interdit de le programmer au-delà pour avoir le temps de recueillir assez d’éléments ;
  • notification éventuelle en même temps qu’une mise à pied conservatoire (dans ce cas, ajouter les phrases proposées ci-avant : exemple de rédaction (à insérer dans la convocation)) ;
  • lancement de l’enquête avec, si possible, au moins deux personnes côté direction et tous les salariés concernés reçus (plusieurs modèles de convocation en PJ) ;
  • bilan ;
  • entretien préalable ;
  • selon le bilan : rupture anticipée du CDD pour faute grave, la période de mise à pied conservatoire n’est pas payée (modèle de notification de la rupture anticipée d’un CDD pour faute grave en PJ) ;
  • ou si les faits ne sont pas avérés : fin de la procédure disciplinaire et la période de mise à pied est payée.

​​Souhaitant avoir répondu à votre question et restant à votre disposition pour toute précision que vous souhaiteriez nous voir vous apporter.

Bonne journée,

​Très cordialement,

​L’équipe accompagnement juridique RH des Éditions Tissot.

A propos des Editions Tissot

Depuis plus de 40 ans, les Éditions Tissot facilitent la vie des entreprises françaises en leur apportant une vision claire et compréhensible du droit du travail. Les Éditions Tissot proposent une gamme de solutions pour optimiser vos activités métier de manière simple et compréhensible par tous. Orienté vers l’information opérationnelle, notre objectif est de vous permettre de résoudre toutes vos problématiques quotidiennes grâce à un décryptage des réglementations et des pratiques. Tous nos services sont conçus avec une approche claire et pratique, loin du jargon juridique, mais toujours absolument fiable.

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