Difficultés économiques : l’entreprise peut-elle réduire le temps de travail de ses salariés ?

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Profil de l’entreprise

Effectif de l’entreprise : moins de 50 salariés

Convention collective concernée par la demande : /

Question RH

Bonjour,

En raison de la baisse d’activité de notre entreprise, nous envisageons de réduire le temps de travail d’un de nos salariés. Est-ce possible et dans cette éventualité, pouvez-vous nous indiquer les démarches à réaliser ? Je vous précise que notre entreprise n’est pas en redressement ou liquidation judiciaire.

Merci de votre aide,

Cordialement

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Réponse apportée par l’équipe « Accompagnement juridique RH » des Éditions Tissot

Bonjour Madame,

Vous souhaitez savoir dans quelles conditions un employeur peut faire passer un salarié d’un travail à temps plein à un travail à temps partiel en raison de difficultés économiques rencontrées par l’entreprise.

Pour analyser l’impact d’une évolution dans la relation de travail, la distinction fondamentale est celle entre modification du contrat de travail et modification des conditions de travail :

  • la modification des conditions de travail relève du pouvoir de direction de l’employeur et, comme telle, ne peut pas être refusée par le salarié sans risque de sanction ;
  • la modification du contrat de travail suppose la signature d’un avenant au contrat de travail initial pour formaliser l’accord de l’employeur et du salarié.

Il est certain que la modification de la durée du travail d’un salarié pour le faire passer d’un travail à temps plein à un travail à temps partiel constitue une modification du contrat de travail qui nécessite la signature d’un avenant au contrat de travail par les deux parties (modèle en pièce jointe). Cela signifie que l’accord du salarié est indispensable.


Lorsque la décision de l’employeur est justifiée par l’organisation et l’activité de l’entreprise, on parle de motif économique.

Les raisons économiques doivent correspondre à celles prévues par le Code du travail dans l’article L. 1233-3 : suppression ou transformation d’emploi, difficultés économiques, mutations technologiques, réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou cessation d’activité.

Le fait que la modification envisagée repose sur un motif économique entraîne des modalités particulières de formalisation de la proposition de modification (C. trav., art. L. 1222-6). L’employeur doit recourir à cette procédure lorsque son projet repose sur l’un des motifs économiques énumérés par l’article L. 1233-3 du Code du travail.

L’employeur est tenu d’informer individuellement chaque salarié de sa proposition de modification du contrat par lettre recommandée avec accusé de réception. Il doit préciser dans cette lettre quel est le motif économique à l’origine de la proposition (Cass. soc., 8 novembre 2023, n° 22-11.369) et que le salarié dispose de 1 mois pour faire connaître son refus (C. trav., art. L. 1222-6).

Il s’agit d’un délai de 1 mois complet qui démarre le jour où le salarié reçoit le courrier recommandé lui proposant la modification et expire à minuit de la même date du mois suivant (Cass. soc., 3 mars 2009, n° 07-42.850).

Exemples :

Le salarié reçoit la proposition de modification de son contrat de travail le 3 mars. Le délai de réflexion expire le 3 avril à minuit. En cas de refus, la procédure ne pourra être engagée qu’à compter du 4 avril.

Le salarié reçoit la proposition de modification de son contrat de travail le 31 mars. Le délai de réflexion expire le 30 avril à minuit. En cas de refus, la procédure ne pourra être engagée qu’à compter du 1er mai.

Précision : l’employeur peut valablement formuler sa proposition par lettre recommandée électronique acheminée par un tiers. Le procédé doit permettre d’identifier l’expéditeur, de garantir l’identité du destinataire et de confirmer la remise du courrier (décret n° 2011-144 du 2 février 2011).

Le respect de ces formalités est une obligation impérative. À défaut, le salarié sera réputé ne pas avoir répondu à la proposition de l’employeur.

Il est important que l’énoncé du projet de modification et de sa justification économique soit le plus précis possible afin que le salarié puisse prendre sa décision en connaissance de cause. Vous trouverez un modèle de lettre de proposition de réduction du temps de travail pour motif économique en pièce jointe (l’avenant étant signé dans un second temps, après acceptation du salarié).

Au-delà de ce délai et en l’absence de réponse de sa part, le salarié est considéré comme ayant accepté la modification, et il sera tenu d’exécuter son contrat aux nouvelles conditions (C. trav., art. L. 1222-6).

Ainsi, seule une réponse expresse et positive, ou le silence du salarié pendant plus de 1 mois, vaut acceptation de la modification proposée par l’employeur.

Si l’employeur propose au salarié de modifier plusieurs éléments de son contrat de travail, l’éventuel refus du salarié devra bien porter sur toutes les modifications apportées à son contrat.

Aucune forme n’est légalement requise pour que le salarié exprime son refus.

En cas de refus, l’employeur peut décider de renoncer à ce changement de fonctions, en le proposant à un autre salarié par exemple, et maintenir le salarié dans sa situation actuelle.

Si cela n’est pas possible, il ne peut pas le sanctionner ou le licencier en raison de son refus car il ne s’agit pas d’une faute.

En revanche, il pourra prononcer son licenciement, non pas en raison du refus lui-même, mais pour le motif qui l’a amené à faire évoluer son contrat de travail en s’assurant qu’il répond aux critères de la cause « réelle et sérieuse » du licenciement.

Si les difficultés économiques sont suffisamment importantes et durables, l’employeur peut envisager une procédure de licenciement économique.

La notion de « difficultés économiques » est caractérisée par :

  • l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel que baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, pertes d’exploitation, dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation ;
  • ou tout élément de nature à justifier ces difficultés.


Pour ce qui est de la baisse significative des commandes et du chiffre d’affaires, elle doit atteindre une certaine durée qui dépend de l’effectif :

  • 1 trimestre pour moins de 11 salariés ;
  • 2 trimestres consécutifs pour 11 à moins de 50 salariés ;
  • 3 trimestres consécutifs pour 50 à moins de 300 salariés ;
  • 4 trimestres consécutifs pour 300 salariés et plus.


Bien que la baisse ne soit pas quantifiée, elle ne peut pas être minime.

Les difficultés économiques doivent être sérieuses, importantes, durables et établies à la date du licenciement. Une baisse significative du résultat ou du chiffre d’affaires n’est pas forcément suffisante. De même, la dégradation de l’excédent brut d’exploitation doit être suffisamment importante et répétée sur plusieurs années. De plus, une augmentation en parallèle du chiffre d’affaires sur 1 année est insuffisante pour neutraliser cette évolution.

Elles s’apprécient au niveau de l’entreprise dans son ensemble et l’examen ne peut être limité à un établissement, une activité, un département ou un service.

Si l’entreprise fait partie d’un groupe, elles s’apprécient au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des seules entreprises du groupe établies sur le territoire national (sauf en cas de fraude, c’est-à-dire lorsque les difficultés économiques d’une filiale ont été organisées artificiellement). Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits, biens ou services fournis, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution se rapportant à un même marché.

​​Souhaitant avoir répondu à votre question et restant à votre disposition pour toute précision que vous souhaiteriez nous voir vous apporter,

Bonne journée,
​Très cordialement,

L’équipe accompagnement juridique RH des Éditions Tissot.

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