Emploi des seniors : point sur les actions et négociations

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Embaucher ou compter des seniors parmi ses salariés peut se révéler bénéfique pour une entreprise. Néanmoins, force est de constater que de plus en plus d’employeurs hésitent à les recruter ou à leur confier des tâches au sein de leur structure. Quelles sont les actions et négociations entreprises en vue d’inciter à l’emploi des seniors ? Nous faisons le point !

Bon à savoir : les négociations interprofessionnelles pour un nouveau “pacte de la vie au travail” et sur l’emploi des seniors tenues le 8 avril 2024 se sont soldées par un échec. Le Gouvernement va donc pouvoir reprendre le travail sur la question.

Qui peut être désigné comme seniors en 2024 ?

Il n’existe pas de définition légale de la notion de senior dans le milieu professionnel. Selon le contexte, le terme senior peut revêtir différentes significations. Les seniors sont reconnus comme des personnes plus ou moins âgées et plus ou moins expérimentées.

En milieu professionnel, la séniorité porte plus sur l’expérience et l’expertise acquises au cours de la carrière professionnelle. 

Pour les administrations, comme France Travail (anciennement Pôle emploi), les seniors sont des salariés proches de la retraite.

Attention aux termes utilisés pour nommer ou désigner un senior. “Vieux” ou encore “ancêtre” peuvent être perçus comme de la discrimination. En tant qu’employeur, vous devez être en mesure de créer un environnement professionnel inclusif pour l’ensemble de vos salariés. 

Quels sont les avantages et défis liés au recrutement de seniors ?

Compter des seniors parmi vos effectifs constitue un atout non négligeable pour votre entreprise à condition de tenir compte de la singularité de leur profil dans votre politique managériale. 

  • Plus d’expertise et un partage de connaissances

L’expérience et l’expertise technique des seniors peuvent vous permettre de relever d’importants défis et de régler divers problèmes.

De plus, ils peuvent constituer un levier d’apprentissage pour les profils juniors, rendant de ce fait vos équipes plus compétentes et efficaces.

  • Plus de solidarité au sein de vos équipes

Vous devez tenir compte des différentes générations au sein de votre entreprise. Vos techniques managériales doivent prendre en compte la spécificité des seniors afin de créer une bonne harmonie et une solidarité entre les salariés.

À noter : les seniors sont, au même titre que les autres, des salariés exposés au risque de burn-out. Il vous revient de mettre en place des politiques de gestion humaines qui prendront en compte leurs besoins spécifiques.

  • Des formations adaptées 

En votre qualité de responsable, il est important de proposer à vos collaborateurs seniors des axes de formation adaptés.

La formation professionnelle continue favorise le développement des compétences et des connaissances tout au long de la carrière professionnelle. Ce dispositif est essentiel pour que votre entreprise soit dotée de salariés compétents et productifs.

Elles promeuvent en outre l’employabilité et l’évolution de carrière dans un marché du travail en constante évolution.

Emploi des seniors : quelles sont les actions et négociations menées ?

L’échec de la “loi plein-emploi”

Dans un premier temps, l’emploi des seniors devait être abordé dans le cadre du projet de réforme “loi plein-emploi”. Le 14 novembre 2023, ce texte a été adopté, mais le 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel a été saisi d’un recours contre celui-ci par certains députés.

Le texte a été publié le 19 décembre 2023 (1) mais il a été confié aux syndicats et aux patronats le soin de trouver des solutions sur l’employabilité des seniors.

Les discussions et négociations entre les partenaires sociaux 

Étape 1 : le 21 novembre 2023

Un “document d’orientation” a été communiqué aux organisations syndicales et patronales par le ministère du Travail afin de les guider dans les discussions. Les principales lignes directrices de ce guide étaient :

  • augmenter l’emploi des seniors : l’objectif du Gouvernement étant de maintenir ces travailleurs à leur poste et d’atteindre le “plein-emploi des seniors”, soit 65 % des 60 à 64 ans en activité en 2030 ;
  • relever les bornes d’âge concernant l’indemnisation du chômage des seniors, pour prendre en compte le recul de l’âge légal amorcé par la réforme des retraites ;
  • mieux lutter contre l’usure professionnelle, et prévenir la pénibilité au travail ;
  • faciliter les reconversions professionnelles ;
  • créer un “compte épargne temps universel” (CETU), qui devrait permettre au salarié ne disposant pas d’un compte épargne temps via son entreprise ou sa branche, de pouvoir y épargner ses jours de congé non pris, afin de pouvoir les utiliser, quel que soit leur employeur.

Un délai de 4 mois a été laissé aux différentes organisations pour trouver un terrain d’entente. 

Étape 2 : à compter du 22 décembre 2023

Le 22 décembre 2023, dans le but de répondre à la demande du ministère en vue d’assurer le plein emploi des seniors, une nouvelle négociation destinée à permettre la conclusion d’un nouveau “pacte de la vie au travail” s’est tenue. Cette réunion avait pour but la mise en place d’un calendrier et d’une méthode de travail. 

Une rencontre a eu lieu le 7 février 2024 sur les transitions et reconversions professionnelles au siège du Medef. 

De nouvelles négociations ont eu lieu le 15 et le 16 février. La CPME (confédération des petites et moyennes entreprises) a proposé un allégement de charges. Le Medef, quant à lui, a milité pour un futur CDI senior pour remplacer le CDD senior. Des négociations sur la retraite progressive ont également été entreprises.

De plus, la création d’un compte épargne-temps universel (CETU) a été abordé le 23 février 2024. Le 1ᵉʳ mars 2024, lors des négociations, le patronat a refusé l’idée de cette création. De son côté, le CDI senior, proposé par le Medef, n’a pas été soutenu par les syndicats de salariés. 

La version préliminaire de l’accord, transmis par le Medef aux syndicats, a fait l’objet de discussion le 7 mars 2024. Le CETU n’y était pas présent.

Celle qui devait être la dernière réunion, initialement prévue pour le 26 mars, avait été repoussée au 8 avril 2024.

En attendant la suite des négociations, les organisations syndicales avaient rendu publiques les 10 propositions suivantes :

  • renforcer le dialogue social pour améliorer l’emploi des seniors en mettant en place un bilan social de branche fixant un objectif quantitatif et qualitatif en rendant obligatoire la négociation d’entreprise sur cet enjeu et en renforçant le rôle des représentants des salariés via la suppression de la limite à trois mandats ;
  • mettre en place un système de pénalité lorsque les objectifs d’amélioration du taux d’emploi des seniors ne seraient pas atteints ;
  • créer un véritable droit à la reconversion professionnelle ;
  • renforcer par la négociation collective la prévention de l’usure professionnelle, en rendant obligatoire la cartographie des métiers à risque et fort taux de sinistralité dans les branches et les entreprises, afin d’anticiper les reconversions et de mettre en place des plans de prévention obligatoires intégrant les aménagements de fin de carrière ;
  • rendre le droit à la retraite progressive opposable 4 ans à partir de 60 ans, avec une prise en charge des cotisations retraites à 100 % ;
  • maintenir les cotisations retraites à 100 % lorsque le salarié passe à temps partiel dans la dernière partie de sa carrière ;
  • s’opposer au CDI seniors qui ouvre droit à de nouvelles exonérations de cotisations au bénéfice des entreprises ;
  • ouvrir à la négociation obligatoire les plans de développements des compétences dans les entreprises de plus de 1.000 salariés ;
  • faire du conseil en évolution professionnelle un droit effectif pour l’ensemble des salariés ;
  • piloter une stratégie nationale de la reconversion dans un lieu paritaire commun.

Étape 3 : les 8, 9 et 10 avril 2024

Les négociations tenues dans la nuit du 9 au 10 avril n’ont abouti sur aucun accord. 

Les syndicats ont refusé de signer la dernière version du projet d’accord et ne la signeront sûrement pas. Ils reprochent au patronat un texte qui ne comporte que très peu de résultats et qui ignore les revendications et propositions portées dans l’intérêt des salariés. 

Les organisations patronales, quant à elles, ont déploré la position des syndicats durant les sessions des négociations. Ces derniers n’auraient pas fait preuve de souplesse lors des discussions. La version finale du projet permettait, selon elles, de répondre aux enjeux défendus.

Face à l’échec de ce dialogue, le Gouvernement va pouvoir récupérer le projet et faire des propositions afin d’impulser l’employabilité des seniors. 

Les organisations syndicales et patronales continueront à porter leurs revendications dans les prochains débats. Débats qui se promettent houleux. 

Vers un “contrat de travail Senior” ?

Actuellement, en dehors des contrats classiques (CDD, CDI), divers types de contrats spécifiques peuvent être signés avec des salariés seniors, notamment :

  • le contrat de professionnalisation pour les salariés de 45 ans et plus ;
  • le CDD senior, visant les salariés de plus de 57 ans (2) ;
  • le CDI inclusion, qui profite aux publics seniors rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières (3).

Dans le cadre du CDI senior évoqué par le Medef, le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a fait part, le 30 mars 2024, de sa volonté de créer un nouveau contrat de travail réservé aux seniors. 

Les seniors, dans ce cas, : 

  • travailleraient 80 % de leur temps ;
  • toucheraient 90 % de leur salaire ;
  • auraient droit à 100 % de leur retraite.

Son objectif principal est de permettre aux seniors proches de la retraite de passer à temps partiel sans pour autant affecter leur cotisation pour la retraite. Le financement de ce dispositif serait effectué d’une part par les entreprises et d’autre part par l’État. 

Des organisations telles que la Confédération française de l’encadrement/Confédération générale des cadres (CFE-CGC – syndicat de salariés) tout en saluant le projet du ministre, attirent l’attention sur son possible coût, tout comme le vice-président en charge des affaires sociales à la CPME. Ce dispositif pourrait donc être contre-productif et impacter davantage le recrutement des seniors.

Des missions de mentorat ou de tutorat en fin de carrière sont pour ces organisations à privilégier. À suivre. 

Emploi des seniors et réforme des retraites : que prévoit le texte ?

Voici quelques exemples de la réforme des retraites concernant les seniors : 

  • recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans ;
  • suppression progressive des régimes spéciaux ;
  • alignement du régime social des indemnités de mise en retraite et de la rupture conventionnelle ;
  • etc.

Références :

(1) Loi n°2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi

(2) Articles D1242-2 et D1242-7 du Code du travail

(3) Article L5132-5-1 du Code du travail

A propos de l’auteur

Sessi Imorou

“Titulaire de deux masters, l’un en droit de l’urbanisme et de la construction et l’autre en management public et droit des collectivités territoriales. 

J’ai l’envie de transmettre les informations de la manière la plus simple possible. Par mes écrits, il me tient donc à cœur de rendre le droit accessible et compréhensible à tous.”

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