Congés payés pendant un arrêt maladie : les nouveautés

Congés payés pendant un arrêt maladie : les nouveautés

S’alignant sur le droit européen, la Cour de cassation a opéré un revirement jurisprudentiel sur l’acquisition de congés payés pour les salariés en arrêt maladie. Cependant, des questions restent en suspens. Nous faisons le point. 

Le droit à l’acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie

Initialement, un salarié en arrêt maladie ne pouvait acquérir de droits aux congés payés sauf dispositions conventionnelles contraires.

Pour être en conformité avec le droit européen, la Cour de cassation a validé, le 13 septembre dernier, l’obtention par les salariés de congés payés durant un arrêt maladie.

Le caractère professionnel ou non de l’arrêt de travail pour des raisons de santé n’impacte plus l’acquisition des congés payés par le salarié (1). Les juges considèrent donc que les arrêts maladie constituent des périodes de travail effectif déterminant la durée du congé au même titre que les congés maternité ou les congés payés, par exemple.

Pour aller plus loin, la Cour de cassation précise, qu’en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, le salarié doit continuer d’acquérir des congés pendant l’intégralité de son arrêt de travail. Le calcul des droits à congé payé ne sera donc plus limité à la première année de l’arrêt de travail (2). Elle rappelle également que le délai de prescription s’étend à 3 ans à compter du jour où l’employeur a permis au salarié d’exercer son droit au congé ou son droit au paiement de ces congés (3).

Pour résumer et comprendre ces revirements jurisprudentiels, un seul principe : nul ne peut être discriminé en raison de son état de santé (4).

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L’impact de ces décisions pour les employeurs : une application entourée d’incertitudes

La jurisprudence ayant un caractère rétroactif contrairement à la loi, les décisions de la Cour de cassation doivent être mises en application par les employeurs tant pour les arrêts maladie futurs que passés.

La question de l’application de ces jurisprudences apparaît plus importante pour les arrêts maladie passés dans la mesure où le délai de prescription de 3 ans ne commence qu’à partir du moment où l’employeur donne la faculté au salarié d’exercer son droit au congé acquis pendant l’absence pour maladie (3). La Cour de cassation n’a cependant pas donné de précisions sur la période de régularisation.

Ces décisions étant récentes, la majorité des employeurs n’ont certainement pas encore eu le temps de les mettre à exécution au vu des énormes conséquences financières qu’elles auront.

Report des congés payés non pris par le salarié en arrêt maladie longue durée : quel est le délai maximal ?

La Cour de cassation a reconnu le droit aux congés payés pour les salariés en arrêt pour maladie professionnelle ou non et même en accident de travail. Il n’y a désormais plus aucune distinction entre le droit européen et le droit français.

Mais que se passe-t-il lorsque le salarié n’a pas pu prendre ses congés payés pendant la période de prise des congés fixée dans l’entreprise, du fait de sa maladie ? Que se passe-t-il si le salarié ne fait plus partie de l’entreprise ? Pendant combien de temps ? Autant de questions auxquelles la Cour de cassation n’a pas répondu.

De son côté, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), après avoir été saisie par le Conseil de prud’hommes d’Agen, a apporté des précisions (5)

La CJUE laisse le soin à l’État français d’organiser la durée maximale de report des congés payés acquis durant les arrêts maladie. Elle n’entend pas limiter les périodes de report. Elle contrôlera en revanche que la durée fixée par l’État français ne porte pas atteinte au droit au congé payé annuel du salarié.

Elle estime cependant qu’en l’absence de dispositions nationales, et au regard de l’article 7 de la directive européenne 2003/88, il peut être fait droit à des demandes de congé annuel payé introduites par un salarié moins de 15 mois après la fin de la période de référence ouvrant droit à ce congé et limitées à 2 périodes de référence consécutives.

La CJUE estime donc qu’un report de moins de 15 mois et limité à 2 périodes de référence est tout à fait possible.

Les décisions du Conseil constitutionnel attendues : des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) posées

Les sages du palais ont été saisis de QPC sur l’acquisition des congés payés au cours d’un arrêt maladie par une décision du 15 novembre 2023 (6)

Le Conseil constitutionnel devra se prononcer sur la constitutionnalité de 2 questions : 

  • les dispositions législatives françaises portent-elles atteinte à la santé du salarié dans la mesure où, sans travail effectif, le salarié n’acquiert pas des droits aux congés payés ? De plus, le droit français ne permet pas l’acquisition de congés payés aux salariés en arrêt pour une maladie professionnelle ou un accident de travail au-delà d’1 an. Cette disposition ne porte-t-elle pas atteinte à la Constitution ?
  • le droit français ne porte-t-il pas atteinte au principe d’égalité garanti par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, mais aussi par la Constitution dans la mesure où il fait une distinction entre acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie pour origine professionnelle ou non professionnelle ?

Les décisions du Conseil constitutionnel sont attendues avec impatience, quand bien même le Gouvernement a précisé que le droit européen sera transposé en limitant l’impact pour les employeurs. Le Conseil constitutionnel dispose d’un délai de 3 mois à compter de la transmission de la QPC.

Face à autant d’incertitudes, il convient pour les employeurs de mieux s’informer, et si nécessaire, de se faire accompagner par des professionnels afin d’éviter bon nombre de litiges. 

À suivre…

Références

  1. Cass. soc. 13 sept. 2023, n°22-17340 
  2. Cass. soc. 13 sept. 2023, n°22-17638
  3. Cass. soc. 13 sept 2023, n°22-10529
  4. Article L1132-1 du Code du travail
  5. CJUE, 9 novembre 2023, aff. C-271/22 à C-275/22, Keolis Agen
  6. Cass. soc. 15 nov. 2023, n°23-14806

A propos de l’auteure

Sessi Imorou

Titulaire de deux masters, l’un en droit de l’urbanisme et de la construction et l’autre en management public et droit des collectivités territoriales, j’ai intégré Juritravail en 2020. J’y ai développé l’envie de transmettre les informations de la manière la plus simple possible. Par mes écrits, il me tient donc à cœur de rendre le droit accessible et compréhensible à tous.


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