Le leadership est l’un des sujets les plus étudiés dans les sciences du comportement. Lorsque les organisations ont de bons dirigeants, les employés sont motivés et plus performants, et les entreprises prospèrent.
Ces résultats sont cependant inversés lorsque de mauvais dirigeants sont en place. C’est le cas pour les entreprises, les hôpitaux, les églises, les écoles, les équipes de sport, les organisations caritatives, les armées et toutes sortes d’organisations.
Bien que l’importance du leadership soit largement comprise, les recherches montrent qu’un bon leadership est l’exception et qu’un mauvais leadership est la règle. Par exemple, 80 % de la main-d’œuvre américaine « pleure » au travail, en grande partie à cause du stress causé par ses dirigeants ; 65 % de la main-d’œuvre américaine déclare qu’elle accepterait une baisse de salaire si quelqu’un licenciait son dirigeant ; 52 % de la main-d’œuvre britannique déclare que les dirigeants sont la principale cause d’insatisfaction dans sa vie. Plus étonnant encore : 12 % déclare qu’elle fantasme sur le meurtre de son responsable.
Ces données sont révélatrices et soulèvent deux questions importantes : pourquoi y a-t-il autant de mauvais dirigeants dans les entreprises ? Et comment les personnes en charge de gérer les entreprises peuvent-elles repérer leurs mauvais dirigeants ?
Pourquoi y a-t-il autant de mauvais dirigeants ?
Nous trouvons des éléments importants de réponse dans une éminente recherche menée par Fred Luthans et ses associés. Ces derniers ont étudié pendant quatre ans de nombreux responsables de différentes organisations. Ils ont rassemblé des données sur chaque responsable (entretiens, données, évaluation, observations comportementales) visant à prédire leurs performances.
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Je télécharge les 8 fichesAu bout de quatre ans, ils ont recueilli des données sur les performances et ont constaté que les meilleurs élèves se répartissaient en deux groupes. Le premier groupe, appelé leaders émergents, se caractérisait par sa visibilité : les leaders recevaient des promotions rapides, des augmentations de salaire importantes et des affectations à des postes très en vue. Ils étaient considérés comme des profils à haut potentiel.
Le second groupe, appelé leaders efficaces, se caractérisait par le fait que ces derniers réalisaient des performances de haut niveau. Les deux groupes ne se chevauchaient qu’à hauteur de 10 % environ. La question clé concerne la manière dont ces leaders occupent leur temps. Les leaders émergents passaient leur temps au téléphone et dans des réunions afin d’alimenter leurs réseaux.
Les leaders efficaces passaient leur temps à travailler avec leurs équipes. La conclusion est claire : les entreprises ont tendance à valoriser et à promouvoir les personnes qui sont de fins stratèges et à ignorer les bons dirigeants qui, bien que moins talentueux au niveau relationnel, s’efforcent de rendre leurs équipes efficaces et productives.
Ainsi, le nombre élevé de mauvais dirigeants dans les entreprises est lié au fait qu’ils sont souvent choisis de part leur faculté à se rendre visible et non du fait de leurs performances en matière de leadership. Les entreprises ont tendance à promouvoir les bons stratèges et à ignorer les dirigeants très performants.
Comment définir le leadership ?
Selon une majorité des recherches, le leadership correspond aux cadres supérieurs d’une entreprise. En prenant comme base les recherches de Fred Luthans, nous ne sommes pas d’accord avec cette définition.
Les gens gravissent les échelons de la hiérarchie sur la base de leurs relations et, seulement parfois, sur leurs performances réelles en tant que leader. Nous définissons le leadership en terme de capacité à constituer et à maintenir des équipes performantes.
Les bons leaders constituent des équipes efficaces, les mauvais leaders sont en revanche incapables de former des équipes et peuvent même les détériorer.
Comment repérer les mauvais dirigeants ?
Comment alors repérer les mauvais dirigeants ? C’est simple : demandez aux employés. Les responsables ont une réputation, le personnel fait circuler cette réputation afin que tout le monde sache comment se comporter vis-à -vis des différents responsables.
Ce serait une erreur de demander aux cadres supérieurs d’identifier les bons dirigeants car, une fois de plus, les cadres supérieurs savent qui ils apprécient, mais souvent ils ne savent pas qui fait du bon travail.
Ainsi, repérer les mauvais dirigeants passe par leur réputation. L’important dans la réputation des responsables, c’est la confiance que leur accorde les employés. La confiance est la composante la plus importante de toute relation. Si vous n’avez pas confiance en votre conjoint, votre mariage est terminé ; si vous n’avez pas confiance en votre partenaire commercial, l’entreprise est condamnée.
Les évaluations des employés quant à la confiance qu’ils accordent à leurs responsables sont un indicateur des performances du service ou de l’équipe. Six modèles de comportement créent la confiance et définissent la réputation des bons dirigeants : la compétence, le jugement, la vision, l’humilité et la persévérance.
Les six comportements des dirigeants efficaces
Intégrité
Le plus important modèle de comportement contribuant à la confiance est l’intégrité. Les responsables intègres tiennent leur parole, ne font pas de favoritisme, admettent leurs erreurs et traitent les gens avec respect.
Les gens ne s’investiront qu’avec des entreprises qui les traitent équitablement. Les employés surveillent constamment le comportement de leurs supérieurs pour déceler des signes de duplicité et, malheureusement, ils trouvent souvent des preuves de manque d’intégrité.
Lorsqu’ils sont confrontés à des signes de traitement inéquitable, le personnel se désengage.
Compétences
La compétence est le deuxième élément qui créer la confiance. Les responsables savent-ils de quoi ils parlent ? Peuvent-ils résoudre les problèmes qui leur sont soumis par leur personnel ?
Savent-ils quand leurs subordonnés ont des difficultés et peuvent les aider ? Ces questions sont bien plus importantes que ce que beaucoup de gens réalisent, et il est exacerbé par le mythe qu’il est possible de diriger une entreprise sans savoir ce qu’il s’y passe.
Conformément à la théorie structuraliste française, beaucoup de gens pensent qu’il existe un ensemble de connaissances formelles qui s’appliquent à toutes les entreprises et que si l’on maîtrise ces connaissances, on peut être productif dans n’importe quelle entreprise sans comprendre les tâches les employés.
Pourtant, pour être perçu comme compétent, le responsable doit comprendre le fonctionnement de l’entreprise dans les moindres détails. Le manque de compréhension est souvent la raison pour laquelle les responsables qui débutent échouent. Ce n’est cependant pas parce que les responsables viennent de l’extérieur de l’entreprise qu’ils échouent, mais il faut qu’ils prennent le temps de connaitre toutes les facettes de l’entreprise avant de prendre des décisions.
Dans de nombreuses entreprises, ce processus d’apprentissage peut facilement durer un an ou plus. Les leaders intéressés uniquement par l’autopromotion n’auront pas la patience ni la motivation nécessaires pour ce processus d’apprentissage.
Jugement
Le troisième élément fondateur de la confiance est le bon jugement. Les responsables peuvent-ils prendre rapidement des décisions judicieuses et rationnelles, sur la base de données incomplètes et dans des conditions changeantes ? Ou, peuvent-ils prendre des décisions judicieuses face à un flot de données et d’opinions contradictoires ? Et peuvent-ils changer de direction lorsque les données indiquent que leur décision initiale n’était pas la bonne ?
La perception du jugement d’un dirigeant a un impact puissant sur le niveau de confiance des membres de l’équipe. Le succès de toute entreprise dépend de la somme des décisions prises au fil du temps. Il est donc essentiel de prendre de bonnes décisions et de tirer les leçons des erreurs passées afin d’agir au mieux à l’avenir.
Si les employés pensent que le jugement de leurs dirigeants est mauvais, ils démissionneront ou se rebelleront. Le personnel suit de près la prise de décision de ses dirigeants et réagit en conséquence.
Vision
Le quatrième élément qui contribue à la confiance du personnel est la vision. Les responsables peuvent-ils justifier de manière convaincante les missions assignées au groupe ? Les gens veulent servir des causes valables et n’aiment pas travailler sur des projets futiles.
Les troupes de combat américaines en Afghanistan se sont souvent retrouvées à défendre des positions militaires qui, pour elles, n’avaient aucun sens. En réponse à la plainte « cette mission est nulle », les bons dirigeants répondaient « oui, mais mettez-y tout votre cœur », c’est-à -dire que leur objectif plus large était leur devoir vis-à -vis de leur pays.
Cela a du sens pour les patriotes. Les employés (patriotes) sont plus susceptibles de répondre positivement aux dirigeants qui peuvent exprimer l’objectif supérieur de l’entreprise.
Humilité
Le cinquième élément qui renforce la confiance du personnel est l’humilité du dirigeant. Le narcissisme est le contraire de l’humilité, et parmi les PDG on compte un nombre surprenant de narcissiques.
Avec le temps, les PDG narcissiques finiront par ruiner leurs entreprises parce qu’ils prennent de mauvaises décisions et refusent de faire mache arrière. À l’inverse, les PDG d’entreprises très performantes ont tendance à être humbles : ils ne se prennent pas au sérieux, ils admettent leurs erreurs, ils partagent le mérite de la réussite et ils font passer les besoins de leur entreprise avant les leurs.
Ce point est bien résumé par le dicton suivant, attribué à la fois au président Harry Truman et à l’entraîneur de basket John Wooden : « c’est étonnant ce qu’on arrive à accomplir lorsqu’on ne se soucie pas de savoir qui recevra les récompenses. ».
Les narcissiques s’attribuent le mérite du succès et n’assument aucune responsabilité en cas d’échec. Les gens sont heureux de travailler pour un dirigeant humble qui partage le succès et assume la responsabilité de l’échec.
Persévérance
Le dernier modèle de comportement des dirigeants encourageant la confiance du personnel consiste à aller de l’avant et à ne jamais abandonner. Certains hauts dirigeants (Donald Trump aux États-Unis, par exemple) se concentrent sur les avantages de leur fonction (avions, voitures avec chauffeur, salons privés, vacances golf) et ils dirigent des organisations peu performantes.
D’autres hauts dirigeants se concentrent sur la victoire. Pensez à Winston Churchill et Charles de Gaulle, qui ont fait preuve d’une grande persévérance face à la brutale agression militaire allemande et qui ont dirigé leur pays dans ses heures les plus sombres. Les leaders persévérants et déterminés à gagner sont des modèles.
Conclusion: un bon leader motive ses Ă©quipes
Ces six modèles de comportement génèrent la motivation du personnel et caractérisent un leadership efficace dans toute entreprise. D’une part, les mauvais dirigeants font preuve d’un manque d’intégrité, d’une mauvaise compréhension des spécificités de l’entreprise, d’un mauvais jugement, d’un manque de vision, d’arrogance et d’égoïsme.
Cela dit, si les mauvais dirigeants sont toujours dans l’entreprise, cela signifie que les cadres supérieurs sont satisfaits de leurs performances. Par conséquent, la seule façon d’identifier les mauvais dirigeants est de demander au personnel leur avis sur le leadership de celui-ci.
Les responsables des mauvais dirigeants ne savent généralement pas à quel point ils sont mauvais, les membres de l’équipe le savent toujours.
A propos des auteurs
Robert Hogan
Dr Hogan est reconnu Ă l’échelle mondial dans le domaine de l’évaluation de la personnalitĂ©, le leadership et l’efficacitĂ© organisationnelle. Il est le fondateur et prĂ©sident de Hogan Assessments.
Ses travaux thĂ©oriques sur la mesure de la personnalitĂ© ont contribuĂ© Ă l’Ă©laboration de la thĂ©orie socio-analytique, qui soutient que le cĹ“ur de la personnalitĂ© repose sur des adaptations Ă©volutives.
Il a dĂ©montrĂ© comment les traits de personnalitĂ© influencent l’efficacitĂ© organisationnelle dans une variĂ©tĂ© de domaines, allant du climat organisationnel et du leadership, Ă la sĂ©lection et Ă la performance efficace d’une Ă©quipe.
Ryne Sherman
En tant que directeur scientifique, Ryne est responsable du département de recherche de Hogan Assessments.
Ses précédents travaux de recherches en psychologie sont concentrés sur le rôle de la personnalité dans l’évolution d’une carrière et la performance au travail.
Il a Ă©galement Ă©tudiĂ© la mesure des consĂ©quences de la personnalitĂ© sur une carrière et l’Ă©valuation de la personnalitĂ© et des diffĂ©rences individuelles.