La gestion de vos salariés soulève des questions pour lesquelles vous n’avez pas toujours la réponse ?
Malgré les informations réglementaires à votre disposition, vous manquez de temps ou vous avez des doutes sur l’application des textes ?
Découvrez un exemple concret de question RH issu du service « Accompagnement juridique RH » des Éditions Tissot.
Profil de l’entreprise
Effectif de l’entreprise : plus de 50 salariés
Convention collective concernée par la demande : /
Question RH
Bonjour,
Certains de nos véhicules de société sont équipés d’un badge télépéage afin que nos salariés n’aient pas à avancer les frais d’autoroute engagés à titre professionnel.
Or nous venons de constater que certains d’entre eux ont utilisé ces badges télépéage pour des trajets personnels.
Pouvons-nous déduire les sommes concernées sur les salaires des salariés ?
Merci,
Réponse apportée par l’équipe « Accompagnement juridique RH » des Éditions Tissot
Bonjour Monsieur,
Vous souhaitez des informations sur les moyens de recours dont dispose un employeur lorsque des salariés utilisent le badge de télépéage à usage strictement professionnel dans un cadre privé non autorisé.
Une telle situation soulève deux problématiques :
- le volet disciplinaire ;
- le volet financier.
1. L’utilisation abusive du matériel de l’entreprise : une faute disciplinaire
L’utilisation sans autorisation du matériel de l’entreprise à des fins privées justifie une sanction disciplinaire.
Autrement dit, le salarié qui souhaite utiliser le matériel de l’entreprise à des fins personnelles doit obtenir l’autorisation de l’employeur. S’il ne le fait pas, il risque un licenciement, voire un licenciement pour faute grave si l’abus est particulièrement caractérisé.
Les juges peuvent tenir compte de l’ancienneté du salarié, du caractère isolé de la faute et du faible préjudice subi par l’employeur.
La jurisprudence est abondante sur ce point et une décision a déjà été rendue à propos de l’utilisation d’une carte de société permettant l’achat de carburant et d’un badge de télépéage professionnel à des fins personnelles, de façon répétée et sur une courte période. La Cour de cassation a confirmé que cela justifiait un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 22 mars 2007, n° 05-44.708).
Attention: l’employeur qui a toléré l’usage du matériel de l’entreprise à des fins personnelles ne peut pas, du jour au lendemain, licencier le salarié qui use de cette tolérance.
Par conséquent, l’utilisation d’un badge de télépéage pour des trajets privés, sans autorisation de l’employeur, est une faute disciplinaire qui peut être sanctionnée.
Nous vous rappelons qu’une procédure disciplinaire doit être engagée au plus tard dans les 2 mois qui suivent la date à laquelle l’employeur a eu une connaissance exacte et complète des faits reprochés au salarié.
2. La non prise en charge des frais exposés dans un cadre privé
L’employeur est tenu de prendre en charge les frais professionnels exposés par les salariés pour les besoins de leur activité professionnelle.
En revanche, il peut exiger que le salarié rembourse des sommes que ce dernier a fait prendre en charge à l’entreprise de manière abusive.
Pour récupérer ces sommes, il sera possible de procéder par « compensation » entre le salaire dû au salarié et les sommes prises en charge à tort par l’entreprise.
Pour parfaite information, nous vous précisons que le Code du travail pose un principe très limitant : « Aucune compensation ne s’opère au profit des employeurs entre le montant des salaires dus par eux à leurs salariés et les sommes qui leur seraient dues à eux-mêmes pour fournitures diverses, quelle qu’en soit la nature. » (C. trav., art. L. 3251-1)
Toutefois, la situation est plus simple depuis un arrêt de la Cour de cassation du 25 février 1997 (Cass. soc., 25 févr. 1997, n° 94-44.788) qui précise que le Code du travail ne prohibe la compensation qu’entre les salaires et les créances pour fournitures diverses et, qu’en conséquence, la compensation est possible dans les autres hypothèses, par exemple :
- pour la récupération par l’employeur des cotisations salariales à la suite d’un redressement URSSAF (Cass. soc., 25 févr. 1997, précité) ;
- pour la récupération des sommes indûment versées au salarié (Cass. soc., 7 mars 2000, n° 97-44.101 ; Cass. soc., 6 mai 1997, n° 94-42.077 ; Cass. soc., 5 avr. 2018, n° 16-26.712) ;
- pour des sommes dues à l’employeur en application d’une clause de dédit-formation (Cass. soc., 21 mars 2000, n° 99-40.003) ;
- pour une indemnité de préavis non effectué (Cass. soc., 27 févr. 2001, n° 99-40.774).
C’est pourquoi, ainsi, qu’en raison du comportement fautif du salarié, il est envisageable pour l’employeur de récupérer les sommes indûment versées par l’entreprise sur son salaire. Il sera nécessaire d’informer le salarié des montants concernés en amont et de convenir avec lui, selon le montant, d’un plan d’échelonnement.
Une telle situation appelle donc une double réaction :
- un recadrage et/ou une sanction disciplinaire dont l’ampleur devra être adaptée aux faits qui ont été commis, un licenciement étant possible dans certains cas ;
- si une sanction n’est pas prononcée, il sera utile de formaliser par écrit le rappel des règles fait au salarié.
Important : la traçabilité (par écrit) des rappels de consigne faits au salarié est indispensable car cela est généralement assez dissuasif et, dans les cas où le non-respect des règles persiste, cela permet de démontrer avec des preuves que le salarié a été préalablement averti, notamment en cas de contentieux ultérieur.
Nous vous précisons qu’un avertissement (modèle en pièce jointe) peut être notifié sans être tenu de convoquer le salarié à un entretien préalable à sanction (sous réserve des règles prévues au règlement intérieur qui devra être consulté impérativement avant toute procédure disciplinaire).
Souhaitant avoir répondu à votre question et restant à votre disposition pour toute précision que vous souhaiteriez nous voir vous apporter,
Bonne journée,
Très cordialement,
L’équipe accompagnement juridique RH des Éditions Tissot.
A propos des Editions Tissot
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